Croquant
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Nous en sommes là : avec une extrême droite aux portes du pouvoir et qui a failli l'emporter. Qui gagnera si on n'engage pas tous les moyens pour l'empêcher. Or cette extrême droite est féroce : elle n'a rien abandonné de son racisme ni de sa violence, malgré ses tentatives pour se respectabiliser. Ce livre examine son programme et ses stratégies, la machine médiatique qui lui sert de marchepied et le pouvoir en place qui ne cesse de la favoriser en imitant son projet. Mais l'analyse ne suffit pas : battre l'extrême droite exige non seulement de comprendre ce qu'elle est, avec ses mensonges, ses faux-semblants et ses mesures de régression sociale, mais aussi de proposer une alternative véritable, qui aide à se fédérer. D'urgence : remettre la honte au racisme, miser sur la solidarité et considérer nos vies à égale dignité. Ludivine Bantigny est historienne. Elle a publié de nombreux livres d'histoire sociale et politique parmi lesquels La France à l'heure du monde (Seuil), 1968. De grands soirs en petits matins (Seuil), Révolution (Anamosa), La Commune au présent. Une correspondance par-delà le temps (La Découverte) et Une histoire globale des révolutions avec Quentin Deluermoz, Boris Gobille, Laurent Jeanpierre et Eugénia Palieraki (La Découverte). Ainsi que des essais : Face à la menace fasciste avec Ugo Palheta (Textuel), L'ensauvagement du capital (Seuil), Que faire ? Stratégies d'hier et d'aujourd'hui pour une vraie démocratie (10/18).
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À l'heure de la déportation globale de personnes migrantes et réfugiées vers des « pays tiers », le Fascisme de la Frontière, d'invisible à son émergence, devient aujourd'hui manifeste. Les exilés passeront toujours. Mais au prix d'inhumaines violations infligées par les politiques migratoires. Les refouler à tout prix, même au prix de leur mort et disparition, est devenu le leitmotiv politique qui risque de précipiter l'Europe dans une nouvelle phase historique de xénophobie d'État. Comment nommer ce crime contemporain contre les personnes migrantes ? C'est la question que se pose l'autrice qui, ces dernières années, a arpenté les frontières européennes documentant les abus et les atrocités subies par les « migrants ». Est-ce un peuple en mouvement ? Ce livre est un cri pour percer le silence de l'Europe-déni.
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Culture du viol : on entend de plus en plus souvent l'expression dans le débat public à la faveur des affaires médiatisées depuis les débuts de #Metoo. Souvent mal comprise, elle ne signifie pas que nous vivrions dans une société qui s'assumerait pro-viol. Elle désigne un phénomène bien plus insidieux et complexe, qui nous place dans une situation de dissonance cognitive lourde de conséquences individuelles et collectives, politiques et esthétiques. D'un côté, nous nous pensons acquis aux valeurs d'égalité et de liberté dans les relations sexuelles et affectives entre les hommes et les femmes. De l'autre, nous baignons dans des représentations stéréotypées qui, tout en dénonçant le viol, invisibilisent, normalisent et érotisent des formes de violences dans les rapports sexuels et les relations affectives hommes/femmes. Or, les productions culturelles jouent un rôle clé dans la perpétuation de cette injonction paradoxale. Les plus dangereuses ne sont pas celles qui affirment des valeurs misogynes, mais plutôt celles qui dénoncent les violences tout en étant fascinées, et celles qui les maquillent en amour comme en humour. Cet essai interroge donc le rôle des oeuvres - toutes les oeuvres, les grands classiques d'hier comme la pop culture d'aujourd'hui - et tous les genres (littérature, cinéma, musique, théâtre) - en explorant les diverses stratégies esthétiques, explicites et implicites, qui façonnent nos imaginaires, nos regards et nos désirs. Pour sortir du déni et avec la conviction que de nouveaux modèles de relations sexuelles et affectives sont possibles.
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Sétif, la fosse commune : Massacres du 8 mai 1945
Kamel Beniaiche
- Croquant
- 7 Octobre 2025
- 9782365124966
La colonisation française de l'âEŠAlgérie n'âEŠa pas été unfleuve tranquille. Unique en son genre, elle se distingue par sa brutalité, sacruauté, et ses drames. Cela explique la complexité de cet épisode historiqueentre les deux rives de la Méditerranée. Malgré la profusion d'ouvrages, depublications historiques, de séminaires et congrès, de nombreuses zones d'ombredemeurent, soixante-deux ans après l'indépendance de l'âEŠAlgérie. Des pans deplus de cent trente-deux ans d'occupation restent en grande partie méconnus.
A l'instar du premier massacre perpétré par les troupes du généralClauzel fin nombre 1830 à Blida, des enfumades provoquées le 18 juin 1845 par lecolonel Pélissier qui a exterminé la tribu d'Ouled Riah (Mostaganem), ou encorede la mutilation de Zaatcha(Biskra) le 26 novembre 1849, les crimes demasses-commis en Mai 1945 restent largement cachés à l'opinion publiquemétropolitaine. Si une grande partie de la société française a, d'une manière oud'une autre, entendu parler du drame d'Oradour-sur-Glane, où 642 personnes, dontdes femmes et des enfants, ont été massacrées le 10 juin 1944 par une unité dela Waffen-SS, elle demeure en revanche totalement ignorante des nombreux« Oradour-sur-Glane » perpétrés en Algérie. Appuyée par la Légion étrangère etdes centaines de miliciens, l'âEŠarmée coloniale a méthodiquement exterminé desmilliers de personnes dans des villages entiers, comme Boudraa Beni Yadjis, AïnSebt, Ferdjioua (ex-Fedj M'Zala), Oued Cheham, Sedrata, Bouchegouf, Bouhira, ElMaouane ou encore, Mouaouia, Serdj El Ghoul, Aftis, Ait Tizi, Bordj Mira et denombreuses autres localités du pays profond. Ces massacres, d'une barbarieinouïe, ont eu lieu quelques heures seulement après la fin de la Seconde Guerremondiale, dans un silence assourdissant qui perdure encore aujourd'hui.
Les autorités coloniales parlaient d'« émeutes » et affirmaient quel'âEŠarmée et la police étaient intervenues pour « rétablir l'ordre » et mettrefin à la « rébellion », et [réprimer les « agissements anti-français d'uneminorité d'âEŠagitateurs... » L'âEŠalibi du « maintien de l'ordre » a longtempscaché la face sombre de la prétendue « culture des droits de l'homme ».L'enquête menée depuis vingt ans continue de dévoiler les amalgames entourantces massacres.
Aujourd'hui, près de quatre-vingts ans après lesviolences inouïes de mai 1945, amnésie et le déni persistent du côté de la rivenord alors que des conseils municipaux de plusieurs villes françaises, desassociations d'âEŠanciens appelés du contingent, des collectifs citoyens, desélus et des intellectuels se mobilisent pour rétablir la vérité. J'âEŠaipoursuivi mon enquête-cherchant à mettre en lumière l'imposture de la notion de« rétablissement de l'ordre public », devant dissuader les Algériens derevendiquer un minimum de dignité.
Le mystère qui entoure le pogromperpétré à huis clos reste épais. À midi, les forces de l'ordre, par le fer etle feu, reprennent le contrôle de la situation et rétablissent l'ordre à Sétif.Aucune maison n'est incendiée, aucune porte n'est défoncée. Les renseignementsgénéraux, à la fois juges et parties, font état de 21 morts et 35 blessés ducôté européen, avec une liste nominative des victimes et des causes de leurdécès. En revanche, les « manifestants », frappés par la répression, restentdans l'ombre, leur sort étant couvert par la censure. Une chape de plombs'âEŠabat sur les indigènes blessés ou tués. -
Marcel Mauss ou la confusion géniale
Collectif
- Croquant
- Essais Et Témoignages
- 7 Octobre 2025
- 9782365124874
Marcel Mauss ou la confusion géniale.
Jean-François Bert
Entre simplifications inexactes, réécrituresopportunistes et usages parfois trop hâtifs, la lecture de l'oeuvre de MarcelMauss (1872-1950), bien que son influence soit cruciale dans plusieursdisciplines, reste obscure.
Mauss y est sans doute pour quelquechose. Ses enseignements ont marqué les mémoires de ses auditeurs. Si certainsen sont ressortis « groggy », comme l'ethnologue André-Georges Haudricourt,d'autres sont longtemps restés éblouis par la liberté de ton et surtout par lanouveauté des connaissances produites par cet homme d'une « confusion géniale »,selon André Leroi-Gourhan. Confusion dont l'enjeu était d'étourdir, dedécontenancer, de faire éclater le sens commun mais, surtout, de produire dudécentrement.
En s'appuyant sur des citations tirées des principauxarticles de Marcel Mauss, mais aussi de textes jugés secondaires ou engagés, cetouvrage propose de revenir sur la nature de sa démarche intellectuelle quis'enracine dans une description dense du fait social, toujours singulier,localisé dans une culture et une langue. Il explore également ses méthodes detravail, qui lui ont permis de renouveler la méthode sociologique etanthropologique, de redéfinir les fondements de l'économie ou encore de repenserla place du religieux dans les sociétés traditionnelles.
ComprendreMauss et son regard subversif ne peut pas se limiter à accumuler desconnaissances sur sa vie ou ses idées. Il convient aussi de retracer le gesteintellectuel qui a guidé l'ensemble de son travail. Un geste rigoureux etaudacieux, toujours ancré dans une interdisciplinarité féconde.
Celivre offre aux étudiants et aux curieux une première introduction à l'oeuvre deMarcel Mauss, tout en permettant aux chercheurs confirmés de renouveler l'usagede ses principaux concepts.
Archéologie,Attente, Catégories, Civilisations, Comparaison, Concret, Corps, Don (Objets),Évolution, Philologie, Non-Civilisés, Non-emprunt, Nuance, Personne, Pleurs,Race, Rites (et mythes), Socialisme, Sociologie, Technomorphologie, Totalité,Théologie -
Enfants, sujets politiques : Les jeunes générations face à la crise du covid
Jessica Brandler-Weinreb
- Croquant
- 11 Septembre 2025
- 9782365124164
Sens et intérêt de la publication Quand une enfant de 11 ans, vivant en quartier prioritaire, nous dit à propos du con?nement « On ne peut pas sortir donc c'est un peu nul mais c'est utile car les cas de coronavirus diminuent », elle nous renseigne sur la politique gouvernementale et l'expérience qu'elle en fait. Lorsque d'autres racontent les actes d'entraide et de solidarité dans les quartiers, et l'organisation collective de la vie de l'immeuble pendant la pandémie de covid, ils et elles portent un regard sur la société et sur son fonctionnement. Les enfants sont des sujets politiques. Cet ouvrage s'intéresse à la manière dont les jeunes générations « prennent part » à la vie de la cité. Il nous plonge dans les transformations générées -ou aggravées- par la crise sanitaire, à travers leur vécu de cette situation inédite où l'État s'est introduit dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Car peu de place est faite à leur parole dans les travaux en sciences humaines et sociales. La plupart interrogent le point de vue des adultes, parents ou professionnels qui les accompagnent. Leurs expériences sont rarement comprises à partir de leurs propres perceptions. Et pourtant, en leur proposant un espace à soi individuel, et dans le collectif, les enfants s'expriment et racontent avec ?nesse leur lecture du monde habité. Les « carnets intimes » d'enfants, sur leur quotidien en pandémie, sont l'un des dispositifs méthodologiques que nous avons créés pour accueillir cette parole et la rendre visible. Ils abordent la peur ressentie face à l'incertitude, l'inquiétude vis-à-vis de la situation des parents, le maintien des liens amicaux via les jeux vidéo, les changements dans le quartier devenu source de danger potentiel et un espace sous contrôle policier, sans oublier la difficile école à la maison et « le sentiment de ne plus être libre ». Mais, si la situation a provoqué une perte de repères et de con?ance en l'avenir, ces carnets montrent aussi leur capacité à réfléchir et à agir face aux situations sociales et politiques que nous vivons. Dans une démarche sociologique qui s'intéresse autant au sens qu'au sentiment, ce livre considère les enfants comme les citoyens « à part entière » qu'ils et elles sont. Il limite la vision adulto-centrée du vécu des jeunes générations, pour favoriser une autre mise en récit des quartiers et des réalités vécues par les habitants. C'est une contribution à l'étude de la citoyenneté des enfants et des jeunes des milieux populaires, et à celles qui s'intéressent à la manière dont elle se construit « à hauteur d'enfant ».
Enquête et dispositifs participatifs 1Projet SCIVIQ (2020-2022) : Ce travail sur la citoyenneté des jeunes générations est issu d'une première recherche-action participative (le projet SCIVIQ -Solidarités, Citoyenneté et Vivre- ensemble face à la Covid-19) qui interroge les dynamiques à l'oeuvre dans les quartiers, en temps de crise sanitaire. En multipliant les points de vue, la sociologue est partie à la rencontre des habitants et des habitantes des quartiers populaires d'une banlieue bordelaise (2 quartiers prioritaires de la commune de Lormont) et de leur expérience de la crise. CeGe recherche- action s'intéresse aussi au vécu des professionnels et bénévoles de l'action publique. Elle repose sur une enquête ethnographique mobilisant les outils classiques de la sociologie qualitative (entretiens, observation et carnets de terrain) et donnant lieu à la création de dispositifs participatifs pour laisser les enquêtés se dé?nir eux et elles-mêmes. Parmi ceux utilisés auprès des enfants et des jeunes :
Les carnets d'enfants (une collaboration avec un collège des quartiers enquêtés : 25 élèves d'une classe de 6ème, âgés de 10 à 12 ans ; 200 pages de témoignages écrits et dessinés) les causeries (temps d'échanges informels organisés avec les professionnels et les élèves, sur leur vécu de la pandémie ; mise en récit collective des vécus individuels ; ont donné lieu à des illustrations) les reportages photographiques (démarche de recherche-création avec le collectif LesAssociés ; les habitants devenus guides de leurs expériences ; des photographies du vécu pandémique, des ressources mobilisées (objets, espaces, relations) et des différents « chez soi ») -
Palestine : Vérité et justice
Azmi Bishara
- Croquant
- Sociétés Et Politique
- 10 Décembre 2024
- 9782365124546
Paru en anglais en 2022, cet ouvrage constitue une analyse majeure de la genèse et de l'évolution du conflit israélo-palestinien, écrit par l'un des intellectuels palestiniens qui connaît le mieux la scène politique israélienne. Il offre ainsi des outils de compréhension des logiques structurelles du conflit encore à l'oeuvre aujourd'hui.
En partant des paradigmes de settler colonialism (colonialisme de peuplement) et d'Apartheid, Bishara examine la manière dont Israël est parvenu, depuis 1948, à imposer sa politique du « fait accompli ». Il décrypte les stratégies discursives, coercitives, diplomatique, économique, qui ont permis à Israël de s'imposer par la force. Il renverse ensuite l'intégralité des récits, aussi bien des mythes fondateurs d'Israël que des discours militaires et diplomatiques, pour analyser le traité Trump-Netanyahou et d'examiner le rôle de l'administration américaine dans cette politique du « fait accompli».
Azmi Bishara illustre parfaitement ce tournant sémantique et analytique qui consiste à bouleverser les récits dominants et sortir la question Israélo-palestinienne de son prétendu exceptionnalisme, en la comparant avec d'autres situations coloniales. Cette grille de lecture comparatiste reste pourtant à la marge en France, à rebours des évolutions en cours dans notre société, qui continue de privilégier des lectures présentistes focalisées sur l'« affrontement » et le « processus de paix » entre Israéliens et Palestiniens.
Cet ouvrage permet de répondre à une demande sociétale de renouvèlement analytique. En ce sens le livre d'Azmi Bishara offre une utile synthèse pour tous ceux qui souhaitent saisir les ressorts de la domination israélienne y compris sur le temps long. -
Les Éditions du Croquant, qui s'inscrivent dans une démarche critique des phénomènes de domination, proposeront dès septembre, une nouvelle collection. Constituée de textes relativement brefs (autour de 60 000 signes), incisifs, dans le genre « coups de poing » ou « coups de gueule ». Le titre de la collection en donne l'esprit et le ton : Halte là ! Trop c'est trop ! Stop ! Carton rouge ! Il s'agit de faire part de nos indignations, de nos colères. Non pas de façon négative, mais en privilégiant l'expression argumentée d'une prise de conscience de l'intolérable. Nous solliciterons les autrices et auteurs du Croquant. Mais aussi de nouveaux témoins et/ou analystes des phénomènes sociaux. À charge pour eux de dire de façon ramassée l'objet de leurs révoltes, de dénoncer les phénomènes, procédures, décisions politiques et sociales qui portent atteinte à la dignité humaine, à la justice. Certains feront connaître de façon adaptée au format de la collection les résultats de leurs recherches, d'autres choisiront de partager des expériences collectives ou sensibles, à la fois emblématiques d'une époque et riches de leur singularité. Sortons les Cartons Rouges devant l'intolérable, disons l'émotion ressentie - sans la dissocier de la pensée. Cette réaction est plus que jamais nécessaire pour construire les résistances, pour croire en l'avenir." Selon les sinistres statistiques publiées chaque année par l'OIM, en dix ans pas moins de 28854 personnes en migration contrainte ont trouvé la mort en tentant de chercher un refuge dans l'un des pays de l'Union européenne, hommes, femmes et enfants. Quant aux autres, quand elles ne sont pas les victimes de rejet en particulier vers les campements de concentration de la Libye, elles sont classées dans la catégorie floue, dépréciative et discriminatoire du « migrant ». Mais pourquoi ces migrations sous la contrainte ? Pourquoi ces personnes forcées à l'exil qui, en majorité, émigrent d'ailleurs dans les pays limitrophes à leur région d'origine? En cause le processus de la mondialisation économique et financière qui est parvenu à asservir les pays des Suds aux pays riches du Nord, animés par l'idéologie néolibérale, avec les destructions humaines, sociales, culturelles et environnementales que l'on sait. Sans égard ni à leur origine, ni à leur culture, sans tenir compte de situations de précarité matérielle et psychique extrêmes, sans prendre en compte les traumatismes subis dans des parcours migratoires plus qu'aléatoires, les pays de l'UE sont coupables, vis-à-vis de celles et ceux qu'ils rejettent dans la catégorie du migrant, d'un véritable déni d'humanité. Et ce déni d'humanité se décline en différentes formes de crime contre l'humanité. À nous de réagir, autant pour le soutien humain que dans l'action politique.
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Les psychiatres sont des lanceurs d'alerte car ce qui est dit dans le cadre intime de la consultation devient un phénomène de société peu de temps après. Depuis plusieurs années j'alerte sur les discours haineux venant d'une minorité très audible qui divisent une majorité qui cohabite et aux yeux de laquelle le métissage est une évidence en France, de plus, un Français sur trois a un lien direct avec l'immigration, apurement dit avec l'altérité. Et cela malgré des discriminations ethniques qui existent depuis la colonisation et persistent car les politiques ne se sont jamais emparés sérieusement de cette question pour faire de tous les Français des citoyens égaux sans exceptions, malgré la mobilisation de bon nombre d'entre eux. Réduire les inégalités, répondre aux crises économiques est travail de très longue haleine et qui nécessite intelligence, connaissance et efforts. Or, la bêtise a été banalisée tout autant que la réflexion. Alors, il est plus aisé pour les responsables de trouver un bouc émissaire. Ce sera l'étranger. Certains politiques et médias ont alors imposé le sujet de l'immigration à travers des stratégies insidieuses mais sûres qui aboutissent à la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui : c'est-à-dire une division des Français alors que nous sommes tous conscients que nous ne pouvons nous passer les uns des autres. Les expressions de haine étant plus faciles à exprimer, car primaires et moins élaborées que celle de la fraternité, de la solidarité ou de l'amour, elles sont aujourd'hui exprimées de façon décomplexée et blessent les personnes attaquées. Mon métier de psychiatre me donne l'avantage d'une écoute particulière qui libère souvent des paroles et permet des associations d'idées, qui, autrement, n'auraient jamais été prononcées. Les individus agressés se demandent : Pourquoi tant de haine, pourquoi être considérés comme un problème alors qu'ils font partie de la solution ? Depuis quand ? Comment se sortir de ce cercle pervers qui parfois poussent les concernés à se détester eux-mêmes, à douter de leur valeur ? Comment réagir ? Je suis tenue, par mon métier de thérapeute, à la neutralité bienveillante, mais avec l'expérience, je réalise que dans certaines circonstances, il faut s'avouer qu'il est impossible de toujours garder une distance émotionnelle. Je pense même que ce serait faire preuve de manque d'empathie et de courage en tant que citoyenne que de rester passive. Beaucoup d'écrits académiques ont été rédigés sur toutes les formes de discriminations les mécanismes, l' histoire. Ils m'ont nourrie dans ma réflexion pour écrire ce manifeste qui se veut être un ouvrage qui parle au coeur des gens, à cette pépite d'humanité que nous avons tous en commun pour donner des solutions et répondre à des situations humiliantes et déshumanisante afin d'en sortir Debout, tête haute !Â
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L'extrême droite nourrit une obsession souvent méconnue pour la question scolaire. C'est là, selon Éric Zemmour, que « la bataille culturelle et politique se joue avant tout ».
Retour à l'ordre, roman national, élitisme, haine de l'égalité, rééducation de la jeunesse, mise au pas des personnels... au fil des polémiques sur le « grand endoctrinement » et des campagnes de délation des enseignant·es « déviant·es », la droite de la droite impose sa rhétorique et déroule son programme pour l'école : Autorité, Inégalité, Identité.
En remontant le fil de l'histoire, en allant voir du côté de l'étranger (Brésil, États-Unis, Hongrie, Turquie) ou en étudiant les villes laboratoires de l'extrême droite française, se lisent les dynamiques et les enjeux de cette contre-révolution scolaire conservatrice qui accompagne et inspire également l'agenda éducatif d'un néolibéralisme de plus en plus autoritaire.
Au-delà de la simple posture dénonciatrice, l'ambition de cet ouvrage est de doter d'outils historiques, pédagogiques et politiques celles et ceux qui n'entendent pas abandonner la critique du système éducatif aux seuls discours réactionnaires ni surtout laisser l'extrême droite faire école. -
Face au manque criant d'enseignants, le recrutement massif de contractuels est un impératif pour remplir la promesse faite par le président Emmanuel Macron : « un professeur devant chaque élève ». Leur part ne fait ainsi que croître et aujourd'hui, un enseignant sur dix est un contractuel. Mais comment leur recrutement est-il organisé ? Quelle est la réalité pour ces nouveaux arrivés dans le monde de l'enseignement ? Comment les heures de classe sont-elles effectuées ?
Ce livre est une enquête menée de l'intérieur. Du recrutement en trente minutes jusqu'au concours pour devenir titulaire, en passant par les premières heures d'enseignement sans formation préalable, on découvre le témoignage incarné d'une contractuelle dans l'Académie de Créteil, qui livre son parcours comme enseignante de français et d'histoire en lycée professionnel.
Au-delà de son histoire, c'est aussi une analyse politique qui est entamée sur la responsabilité du gouvernement et des régions comme l'Île-de-France. L'enseignement professionnel est en train de devenir le cheval de Troie d'une privatisation de l'Éducation Nationale. Les élèves sont les premiers perdants de ce nouveau marché qui s'ouvre pour des organismes peu scrupuleux. Pendant que des lycées professionnels ferment leur porte, des millions sont donnés à des acteurs privés sans véritable contrôle. Le résultat est sans appel : pas une seule année ne passe sans qu'un scandale éclate ! Et pendant ce temps, les responsables politiques regardent ailleurs et refusent de défendre un service public de l'éducation fort et ambitieux. A l'heure des défis sociaux, écologiques et internationaux, notre richesse repose pourtant sur les savoirs et compétences transmis aux générations de demain. Face au désengagement public, n'y a-t-il pas finalement une volonté inavouée de la part des dirigeants : confier les clés de l'enseignement professionnel aux entreprises plutôt qu'à l'École ? -
Villes rebelles : Municipalisme et pouvoir local en Espagne
Collectif
- Croquant
- 7 Octobre 2025
- 9782365124812
Des centaines de listes citoyennes ont émergé en France lorsdes élections municipales de 2020, en prenant souvent l'Espagne comme référencedu municipalisme. Cet ouvrage nous plonge au coeur du laboratoire politique des« mairies du changement », conquises entre 2015 et 2023 par des coalitionscitoyennes formées dans le sillage des Indignés et de Podemos. Il dresse unbilan critique des réussites, échecs et limites de ces expériences inédites degouvernement local. L'enquête porte sur les métropoles emblématiques de Madrid,Barcelone et Valence, mais aussi sur Cadix, Saragosse et les villes de Galice.Quelles ont été les avancées sur les politiques sociales et féministes, ladémocratie participative et l'écologie ? Peut-on faire de la politique autrementet changer le monde depuis l'échelle locale ? Quelles alliances lesgouvernements municipalistes ont-ils tenté de sceller pour mieux résister auxcontraintes budgétaires et étatiques, ainsi qu'aux logiques du marché et de laville néolibérale ? Pourquoi l'expérience de ces villes rebelles a-t-elle été sibrève ? Ce livre interroge ainsi, à partir du cas espagnol, la capacité desgauches radicales à gouverner et à mener des politiques transformatrices.
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Contre l'insoutenabilité du travail
Fabien Brugière, Sabine Fortino, Lucie Goussard, Guillaume Tiffon
- Croquant
- 6 Novembre 2025
- 9782365124713
Il semble en effet que les transformations du travail et de l'emploi aient lors des dernières décennies contribué à rendre le travail insoutenable pour de nombreuses catégories de travailleur·ses. Depuis les années 1980, le modèle de production tayloriste-fordiste qui s'était imposé à partir de l'après-guerre, a progressivement été renouvelé - en premier lieu dans le secteur industriel - par des processus de rationalisation guidés par la mondialisation et la financiarisation économiques. Toyotisme , production à « flux-tendu » ou en « juste-à-temps », « fluidité industrielle » modèle « liquide » fondé sur l' « organisation par projet » sont autant de concepts qui visent à caractériser l'originalité et la spécificité des nouvelles variantes organisationnelles ; ils trouvent leur point de convergence dans le fait que celles-ci contribuent chacune à intensifier le travail. Les formes d'encadrement des salarié.es ont évolué de manière concomitante afin de les adapter aux contraintes de rythme et de normalisation de la production : le « management de la performance » s'accompagne ainsi d'une individualisation du travail et d'une mobilisation subjective de la main d'oeuvre. Des transformations tout aussi importantes, et solidaires de celles qui affectent l'activité stricto sensu, ont été appliquées à l'emploi pour optimiser son usage selon une logique de rentabilité : recrudescence des contrats précaires, flexibilisation, généralisation du modèle « coeur-périphérie » conjointe au développement de la sous-traitance au sein d'entreprises en réseau, et promotion de l'auto-entrepreneuriat. Ces diverses logiques de précarisation ont affaibli les protections de l'emploi et morcelé les collectifs de travail, exposant davantage les salarié.es aux risques professionnels de santé - notamment mentale. En résumé, la combinaison des diverses caractéristiques ainsi énumérées - entre des exigences, des contrôles et des incertitudes en hausse - contribue à accroître les pénibilités tant psychiques que physiques du travail dans les organisations contemporaines, avec une intensité variable Il semble en effet que les transformations du travail et de l'emploi aient lors des dernières décennies contribué à rendre le travail insoutenable pour de nombreuses catégories de travailleur·ses. Depuis les années 1980, le modèle de production tayloriste-fordiste qui s'était imposé à partir de l'après-guerre, a progressivement été renouvelé - en premier lieu dans le secteur industriel - par des processus de rationalisation guidés par la mondialisation et la financiarisation économiques. Toyotisme , production à « flux-tendu » ou en « juste-à-temps », « fluidité industrielle » modèle « liquide » fondé sur l' « organisation par projet » sont autant de concepts qui visent à caractériser l'originalité et la spécificité des nouvelles variantes organisationnelles , ils trouvent leur point de convergence dans le fait que celles-ci contribuent chacune à intensifier le travail. Les formes d'encadrement des salarié.es ont évolué de manière concomitante afin de les adapter aux contraintes de rythme et de normalisation de la production : le « management de la performance » s'accompagne ainsi d'une individualisation du travail et d'une mobilisation subjective de la main d'oeuvre. Des transformations tout aussi importantes, et solidaires de celles qui affectent l'activité stricto sensu, ont été appliquées à l'emploi pour optimiser son usage selon une logique de rentabilité : recrudescence des contrats précaires, flexibilisation, généralisation du modèle « coeur-périphérie » conjointe au développement de la sous-traitance au sein d'entreprises en réseau, et promotion de l'auto-entrepreneuriat. Ces diverses logiques de précarisation ont affaibli les protections de l'emploi et morcelé les collectifs de travail, exposant davantage les salarié.es aux risques professionnels de santé - notamment mentale.
En résumé, la combinaison des diverses caractéristiques ainsi énumérées - entre des exigences, des contrôles et des incertitudes en hausse - contribue à accroître les pénibilités tant psychiques que physiques du travail dans les organisations contemporaines, avec une intensité variable selon les secteurs et les métiers, mais en épargnant peu voire aucun. Cette analyse est corroborée par le constat effectué par Maëlezig Bigi et Dominique Méda, à partir de données tirées d'enquêtes statistiques internationales, d'une insatisfaction relative aux situations de travail plus forte en France en comparaison avec d'autres pays européens corrélée à des niveaux plus élevés des indicateurs de risques de santé. La « grande démission » observée à l'issue de la crise sanitaire traduit ainsi, non pas une dépriorisation de la vie et de la carrière professionnelle chez les actifs français après la parenthèse des confinements, mais en premier lieu le rejet de conditions de travail jugées trop pénibles. En 2019, plus d'un tiers des salarié.es (37%) déclaraient déjà en effet ne pas pouvoir tenir à leur poste de travail jusqu'à la retraite. Au-delà de la dimension pathogène du travail contemporain, bien documentée lors des vingt dernières années, des recherches sociologiques adoptent une perspective longitudinale et processuelle pour étudier sa soutenabilité. Nicolas Roux applique ainsi cette démarche à l'analyse de deux groupes professionnels assujettis à une discontinuité de l'emploi, les saisonniers agricoles et les intermittents du spectacle , cette comparaison permet de souligner des facteurs de soutenabilité et des stratégies d'autonomie différenciés en lien avec le niveau de qualification de l'activité et l'origine sociale des individus. Davantage qu'une simple projection de la pénibilité sur un horizon temporel, le travail soutenable, conçu comme non pathogène et créateur de durée, pourrait nourrir un nouveau paradigme de la prévention fondé sur la transmission au-delà de la réparation et la compensation.
2. Des luttes syndicales qui se construisent
En réponse à cette montée de la pénibilité physique et mentale du travail, les syndicats renforcent leurs actions dans ce domaine longtemps éclipsé par les revendications sur l'emploi et le salaire et marqué par des périodes « de visibilité et de reflux » .
La création en 1982 des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a marqué un tournant important dans cette dynamique par l'instauration, dans les lieux de travail, d'un nouvel espace où les questions d'organisation et de conditions de travail peuvent être débattues et négociées. Malgré une couverture insuffisante et des moyens souvent limités , les CHSCT ont constitué un espace central dans la construction des savoirs militants en matière de prévention des risques professionnels. Les syndicalistes ont pu y acquérir, non sans certaines formes de réappropriation , des savoirs théoriques issus du champ scientifique, par le biais d'experts variés, mobilisés à leurs côtés au sein des CHSCT , dans le cadre d'observatoires ou des missions d'expertise qui n'ont cessé de se développer depuis l'introduction de ce droit en 1991 et la mise en place de l'agrément ministériel des cabinets en 1994 . Les actions de formation des représentants des salariés au sein des instances ont également alimenté cette « montée en compétences », quoi que dans des orientations variées, selon que les formations se réfèrent au modèle de prévention des risques professionnels « juridico-technique », « ergonomique » ou « syndical » .
Outre la progression des enjeux de santé au sein des instances, la plupart des organisations intensifient leur engagement, à partir des années 2000, dans des pratiques militantes novatrices sur ces questions, à des échelles et sous des formats très différents. Entre 2004 et 2006, par exemple, la CFDT déploie une recherche-action sur « le travail intenable » , la CGT lance de son côté en 2007 la recherche-action « Prévenir les risques psychosociaux » dans l'industrie automobile qui alimentera la « démarche travail » déployée au niveau de la confédération , la CFE-CGC met en place un baromètre du stress afin de sonder chaque année plusieurs dizaines de milliers de cadres sur leurs conditions de travail , le SNES déploie des formations-action sur le travail des enseignants entre 2001 et 2012 , l'UGICT-CGT mène une campagne à partir de 2014 « Pour le droit à la déconnexion et la réduction effective du temps de travail » , tandis que d'autres syndicats comme les SUD progressent sur la scène juridique, jusqu'à obtenir des avancées historiques, comme la reconnaissance par le droit de la catégorie de « harcèlement moral institutionnel » dans l'affaire des suicides de France Télécom .
Même si ces actions ne débouchent pas systématiquement sur des victoires (amendements ou retrait de projets de réorganisations, mises en place d'organisations alternatives du travail), elles représentent des contre-pouvoirs à l'hégémonie patronale en matière d'organisation du travail, et constituent des rappels à l'ordre et à la loi, susceptibles de dissuader un certain nombre de directions de mener tambour battant leurs projets de modernisation des entreprises et des organisations.
Suite à un colloque organisé en 2014, un premier ouvrage collectif mettait en lumière la progression de ces dynamiques à l'oeuvre dans le champ syndical pour s'emparer de ces enjeux de santé au travail. Dix ans après, qu'en reste-t-il ? Même si certaines de ces initiatives demeurent, ici et là, sous des formes très hétérogènes selon les organisations, les secteurs et les configurations locales, force est de constater que toute une série de réformes sont venues déstabiliser cette dynamique. -
La politique des visas : Filtrer les mobilités internationales en Chine et en Algérie
Juliette Dupont
- Croquant
- Action Publique
- 10 Juillet 2025
- 9782365124294
1. Présentation de l'ouvrage
Pour visiter laFrance, première destination touristique mondiale, les ressortissants de plus decent pays doivent préalablement obtenir une autorisation de voyage délivrée parles consulats français à l'étranger : le visa court séjour, communément appelévisa Schengen. L'Algérie et la Chine font partie de la liste, négociée àBruxelles, des nationalités soumises à cette obligation de visa. En 2019, plusde 95% des visas demandés en Chine ont été délivrés par les consulats français,tandis qu'en Algérie, près d'un dossier sur deux a été refusé. Partant d'un telécart, cet ouvrage interroge le visa touristique comme le vecteur d'une mobilitéinternationale à plusieurs vitesses, tantôt privilégiée, tantôt entravée.
À la lumière d'une enquête de plusieurs années menée entre Paris,Bruxelles, Beijing et Alger, ce livre montre comment les politiques et pratiquesde délivrance des visas à l'étranger fabriquent des inégalités globales, tout enfaçonnant les relations diplomatiques de la France avec les pays concernés parl'obligation de visa. À travers une analyse globale et engagée auprès desdécideurs politiques européens et nationaux ; des administrations expatriéesdes visas et des demandeurs de visa de nationalité algérienne et chinoise,l'ouvrage livre une compréhension complète de cet instrument à la foisdiplomatique et bureaucratique, qui dépasse parfois sa fonction initiale de« filtre » aux frontières. La comparaison de la délivrance des visas en Algérieet en Chine montre que les catégories de désirables et d'indésirables créées parles obligations de visa sont sans cesse réinterprétées par les bureaucrates surle terrain, ainsi que par les usagers, en mesure de subvertir, à leur échelle,les procédures d'obtention de ce sésame.
Remaniant en profondeurune thèse de science politique soutenue à l'Université de Montréal en avril2022, ce livre présente trois originalités. Tout d'abord, le coeur de l'ouvragerepose sur la comparaison de deux contextes - l'Algérie et la Chine - rarementconfrontés l'un à l'autre, encore moins à travers des enquêtes de terrainqualitatives et immersives. Au cours des différents chapitres, ces deux cas sontainsi documentés en détail, avec des données empiriques inédites. Ensuite, cetterecherche se distingue en mettant à jour, en particulier dans le cas de laChine, un objectif inédit d'attractivité touristique adossé à la délivrance desvisas, là où de nombreux travaux ont surtout souligné les logiques de soupçon etde répression exercées par les guichets de l'immigration. Enfin, ce livrepropose de dépasser la dichotomie consistant à opposer d'un côté, les citoyensdu Nord Global libres de se déplacer et de l'autre, ceux du Sud Global,immobilisés par les restrictions. Au contraire, il souligne l'existence dediscriminations entre pays soumis au même régime de visa obligatoire, apportantde nouvelles clés de compréhension de la mobilité touristique mondiale commemarqueur des inégalités.
2. Résumé par chapitre
Introduction (3 000 mots)
Cette introduction présente l'histoire etla place du visa dans le développement des politiques de contrôle migratoire etrevient sur son originalité qui est de trier à distance les étrangers, tout enétant un enjeu sensible des relations bilatérales. Elle revient également surles terrains et les défis de l'enquête globale adoptée pour ce livre, entreParis, Bruxelles, Alger et Beijing.
Chapitre 1 - Des visas à lacarte (5 000 mots)
Le premier chapitre porte sur l'histoire del'adoption de la liste des nationalités « blacklistées » devant solliciter unvisa avant de voyager à destination de l'Europe. Le chapitre discute toutd'abord des critères, définis à Bruxelles, justifiant l'exemption oul'obligation de visa imposée à un pays, puis les catégories de voyageurslégitimes et illégitimes à qui les autorités consulaires doivent délivrer ourefuser les visas. La définition de ces critères et de ces catégories faitl'objet de rivalités, en particulier entre les ministères de l'Intérieur et desAffaires étrangères qui se partagent la compétence en matière de visas. Cechapitre étaye ainsi les rapports de force entre les visions de la politique devisa, et comment ces luttes préfigurent des inégalités de traitement d'unenationalité à l'autre.
Chapitre 2 - Deux doctrines : repousser ouattirer ? (8 000 mots)
Le chapitre 2 aborde la comparaison au coeurde l'ouvrage, de la délivrance des visas par la France en Algérie d'une part, eten Chine d'autre part. Il montre que la délivrance contrastée des visas enAlgérie et en Chine se comprend non seulement à la lumière de contexteshistoriques bilatéraux distincts, mais aussi par le rapport de force entrel'Intérieur et le Quai d'Orsay. Ainsi, la « doctrine du robinet » à l'oeuvre enAlgérie, qui alterne séquences de verrouillage et d'ouverture de la délivrancedes visas, répond aux priorités de l'Intérieur, et de plus en plus de l'Elysée,de réduire l'immigration postcoloniale. La délivrance des visas en Chine suit, àl'inverse, la doctrine dite « Fabius » depuis 2012, qui met la délivrance desvisas au service de l'attractivité touristique de la classe moyenne chinoise, enplein enrichissement et particulièrement convoitée en contexte de criseéconomique en Europe.
Chapitre 3 - Barbelés versus canelés : lessous-traitants, « première image de la France » à l'étranger (8 000 mots)
Le chapitre 3 analyse le déploiement de la politique de visa sur leterrain et étudie le premier interlocuteur des étrangers demandeurs de visa :les prestataires à qui les consulats ont délégué l'accueil du public. A l'appuid'observations ethnographiques conduites dans plusieurs centres en Chine et enAlgérie, ce chapitre interroge les contours de cette délégation relativementnouvelle et compare ce qui est en réalité sous-traité, au-delà de l'aspectlogistique. En Algérie, c'est avant tout une mission de dissuasion qui estdéléguée à ces prestataires, qui reproduisent des logiques disciplinaires etdiscrétionnaires sur les usagers. En Chine, le recours à la sous-traitance estau contraire tourné vers l'hospitalité et l'expérience-client, ciblant despotentiels touristes fortunés selon une logique de distinction économique. Elles'inscrit en outre dans une concurrence avec les prestataires des autresconsulats des pays Schengen, qui se disputent les parts du marché des demandeursde visas chinois.
Chapitre 4 - Dans les coulisses du service : lequotidien du travail consulaire (10 000 mots)
Le chapitre 4 présenteles routines administratives des services de visas des Ambassades françaises deBeijing et d'Alger, qui voient plusieurs centaines de milliers de dossiers parannée transiter entre leurs murs. Après une présentation du profil de ces agentsexpatriés, le chapitre détaille la mission bureaucratique de lutte contre lerisque migratoire à laquelle ils sont socialisés. Au quotidien, leur travailimplique d'évaluer le bien-fondé des demandes de visa, et à s'assurer, au vu despièces du dossier, que les demandeurs ne cherchent pas à détourner le visa courtséjour à des fins d'immigration permanente. En outre, ce chapitre décrit lesservices de visa comme des « usines à décisions », où l'instruction de dossiersest organisée par des logiques de plus en plus néo-managériales, au détriment dubien-être au travail des agents, qui dénoncent le caractère aliénant des tâchesqui leur incombent. Cependant, l'impératif de productivité qui pèse sur lesservices des visas a des effets opposés d'un cas à l'autre : à Alger, plus lescontrôles doivent aller vite, plus ils conduisent à des décisions de refus,alors qu'à Beijing, la réduction des délais entraine à l'inverse uneaugmentation de l'octroi, pour satisfaire la politique d'attractivitétouristique décrétée par le Quai d'Orsay.
Chapitre 5 - Dilemmeslocaux, dilemmes moraux (10 000 mots)
Le chapitre 5 se concentre surles dilemmes de délivrance auxquels les agents visa font face. La délivrance desvisas en Algérie se caractérise par une tension entre objectif de réduction del'immigration et nécessité de tenir compte de la relation bilatérale. Parconséquent, les autorités consulaires aménagent la mise en place depasse-droits, réservés aux élites locales qui ont des connexions et/ou de lafamille en France. En Chine, le dilemme principal se situe entre l'objectifd'attractivité touristique et la mission bureaucratique des agents tournée versle contrôle. Cette dissonance conduit les agents à résister à l'injonctiondiplomatique et à réinvestir l'objectif de lutte contre le risque migratoire, enprofilant des dossiers perçus comme « douteux ». A la lumière de ces pratiquesbureaucratiques très localisées, ce chapitre arrive à la conclusion que lesdiscriminations d'accès à la mobilité ne se jouent pas qu'entre nationalités,même entre groupes sociaux d'un même pays : les notables en Algérie se voientfacilités, tandis que les usagers les moins dotés en Chine sont jugés indignesdes privilèges qui leur sont accordés.
Chapitre 6 - Les usagersface à la demande (8 000 mots)
Le sixième et dernier chapitres'appuie cette fois-ci sur le point de vue des demandeurs de visa de nationalitéalgérienne et chinoise, également rencontrés au cours de l'enquête. Lesexpériences dont ils font le récit donnent à voir les pratiques d'appropriationdes procédures de visa, que celles-ci soient répressives dans le cas d'Algérieou incitatives dans le cas de la Chine. Grace à leur capital spatial, lesdemandeurs accumulent et mobilisent plusieurs ressources leur permettant decontourner les obstacles liés à l'obtention d'un visa. Dans les deux cas, ilexiste des marchés parallèles des visas, industries locales et informelles quifournissent un ensemble de services de facilitation, parfois dans l'illégalité.Enfin, le chapitre recueille les paroles de ces usagers et les rapports(dé)politisés à la mobilité, et plus largement aux inégalités, que lesprocédures de visa façonnent chez eux. En prenant le parti de ces acteurs, cedernier chapitre permet ainsi de montrer ce que les individus font de ladiscrimination qui les vise, et restaure leurs marges de manoeuvre face à desprocédures souvent perçues comme arbitraires.
3. Public cible
Cet ouvrage sur la sélection des touristes étrangers au moyen desprocédures de visa peut intéresser un large public car au prisme du visa, ilinterroge la question du contrôle des frontières tout en abordant les relationsbilatérales de la France avec la Chine et l'Algérie. Interdisciplinaire, lelivre intéressera les politistes et sociologues de l'Europe et del'international, les sociologues des migrations et du tourisme, ainsi que leschercheurs intéressés par les pratiques de l'administration et la sociologie duguichet. Accessible grâce à son format relativement court (environ 200 pages),il cible de plus les étudiants dès le premier cycle inscrits en sciencepolitique, en relations internationales, en sociologie et en anthropologie.L'ouvrage pourra ainsi être intégré aux plans de cours sur les migrations,l'administration ou les relations internationales dans ces différentesdisciplines, et aux collections des bibliothèques universitaires en scienceshumaines et sociales. Ce livre trouvera par ailleurs un public parmi lesspécialistes de la Chine d'une part et d'Algérie d'autre part, au-delà desfrontières disciplinaires dans lequel il s'inscrit. En se basant sur un matérielethnographique, il pourra enfin être appropriable par des professionnels del'information, de l'enseignement, de la diplomatie, de l'industrie touristiqueet des citoyens et associations désireux de mieux connaitre les phénomènes detraitement des étrangers et des politiques de frontières et d'immigration.
4. Livres semblables sur le marché
Migrations internationales
Karen Akoka, 2020, L'asile et l'exil.Une histoire de la distinction réfugiés/migrants, Paris, La Découverte
Alexis Spire, 2008, Accueillir ou reconduire : enquête sur les guichets del'immigration, Raisons d'Agir
Catherine Withol de Wenden, 2017, LaQuestion migratoire au XXIe siècle, Migrants, réfugiés et relationsinternationales (3ème édition), Presses de Sciences Po
FrançoisHéran, 2017, Avec l'immigration, Mesurer, Débattre, Agir, La Découverte,Collection « L'envers des faits »
Nora El Qadim, 2015, Legouvernement asymétrique des migrations. Maroc/Union européenne, Paris, Dalloz,« Nouvelle Bibliothèque Thèses »
Diplomatie
ChristianLequesne, 2016, Ethnographie du Quai d'Orsay : les pratiques des diplomatesfrançais, Editions du CNRS
Michael Pauron, 2022, Les ambassades dela Françafrique : l'héritage colonial de la diplomatie française, Editions Lux,Collections « Les dossiers noirs »
Laurence Badel, 2021,Diplomaties européennes XIXè-XXIème siècle, Presses de Sciences Po
Anthropologie des politiques publiques
Vincent Dubois, 2021,Contrôler les assistés, Genèses et usages d'un mot d'ordre, Paris, Raisonsd'Agir
Camille François, 2023, De gré et de force, Comment l'Etatexpulse les pauvres, La Découverte, Collection « L'envers des faits »
5. Références de personnes ayant lu le manuscrit (membres du jury desoutenance de la thèse - avril 2022)
Frédéric Mérand :frederic.merand@umontreal.ca
Valérie Amiraux :valerie.amiraux@umontreal.ca
Mireille Paquet :mireille.paquet@concordia.ca
Sandra Lavenex :sandra.lavenex@unige.ch
Sabine Saurugger :sabine.saurugger@iepg.fr
Sule Tomkinson :sule.tomkinson@pol.ulaval.ca
6. Présentation del'autrice
Juliette Dupont est docteure en science politique,diplômée de l'Université de Montréal, et membre de l'Institut ConvergencesMigrations (CNRS). Sa thèse, « Verrou ou vitrine ? Politiques du visa Schengenen Algérie et en Chine » a obtenu la mention « Exceptionnelle », qui distingue2% des thèses soutenues à l'Université de Montréal et est sélectionnée pourreprésenter l'institution aux concours de meilleure thèse de la discipline.Depuis septembre 2023c, Juliette Dupont est chargée de recherche FRS-FNRS à l'UCLouvain Saint Louis Bruxelles et enseignante à Sciences Po Lille. Ses travaux sesituent au croisement des études migratoires, des études européennes, de lasociologie politique internationale et de la sociologie des guichets et abordentplus précisément les liens entre mobilités et inégalités. Ses recherches ont étépubliées dans les revues Migrations Sociétés, Politique Européenne et dans unouvrage paru aux Presses Universitaires de Bruxelles. -
Des élèves qui accusent leurs professeurs de racisme, une classe où le groupe des « Français » et celui des « musulmans » se font face... ce genre de constat a conduit Aurélien Aramini et Chloé Santoro à mener une enquête dans un lycée professionnel, situé au sein
d'une grande cité scolaire comme il en existe beaucoup d'autres dans la France des sous-préfectures, marquée à la fois par la désindustrialisation, la disparition des services publics et l'héritage des vagues migratoires successives. À la croisée de la sociologie et de la philosophie, cette étude qui plonge dans le quotidien d'une classe de seconde professionnelle ne cherche pas à défendre une vision rigide de la mission de l'école mais à comprendre les difficultés concrètes auxquelles les enseignants et leurs élèves sont confrontés afin de déceler
ce qui, dans les pratiques mêmes des acteurs de terrain, pourrait contribuer à réduire ces fractures qui divisent la communauté scolaire et, au-delà, le corps civique. -
La guerre, le droit et la paix.
Jacques Fath, Antonios F. Abou Kasm
- Croquant
- 24 Avril 2025
- 9782365124805
Auteurs :
Jacques Fath : spécialiste des relations internationales, essayiste.
Antonios Abou Kasm : avocat international, professeur de droit international à l'Université libanaise.
Présentation :
L'ambition de ce livre est d'abord celle d'une approche permettant de mieux comprendre le sens social et la portée politique de ces trois concepts : la guerre, le droit et la paix. L'histoire nous montre à quel point il s'agit là de constructions sociales ancrées dans la longue durée. Comment fut « inventée » la guerre à l'âge du bronze ? En quoi le droit est-il une valeur de civilisation ? Comment définir et construire la paix ? Ces questions majeures se posent aujourd'hui avec d'autant plus d'insistance que les risques de guerre, le mépris du droit et de la légitimité des Nations Unies suscitent de profondes et légitimes inquiétudes sur l'avenir. Le 80è anniversaire de l'ONU en 2025 doit être un moment de réflexion critique sur notre actualité, sur l'ordre international avec ses règles et ses pratiques, sur l'incontournable exigence de la responsabilité collective dans notre monde interdépendant.
Ce livre ouvre aussi les grandes problématiques géopolitiques, juridiques et stratégiques de notre période : les conflits en cours et les menaces dont ils sont porteurs, le multilatéralisme dans le cadre des Nations Unies, l'importance de la sécurité collective et du droit international, la nécessité de la justice internationale, l'affirmation du Sud global et sa signification... Il est aussi question des mutations redoutables de la guerre avec les hautes technologies, dans un contexte d'intense course aux armements, d'exacerbation et de militarisation des relations internationales, et d'une périlleuse tentation du nucléaire militaire...
Le défi de la paix est aussi celui de la responsabilité pour tous les acteurs politiques et sociaux. Au côté d'autres enjeux globaux, il fait partie des questions prioritaires. -
Le 14 juillet 1953, la gauche communiste et syndicale célèbre,
comme c'était alors la tradition, la fête nationale par une manifestation à
Paris. Y participent, à la fin du cortège, plusieurs milliers de
militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), le
parti nationaliste algérien. Quand ils arrivent place de la Nation, des heurts
se produisent et les policiers tirent froidement sur les manifestants algériens.
Six d'entre eux sont tués, ainsi qu'un militant de la CGT. Et on compte des
dizaines de blessés par balles. Pendant un demi-siècle, ce drame va
être effacé des mémoires et des représentations, en France comme en Algérie.
Pour comprendre les raisons de cette amnésie et faire connaître les
circonstances de l'événement, Daniel Kupferstein a conduit une longue enquête,
pendant quatre ans. Elle lui a permis de réaliser en 2014 un film que ce livre
prolonge et complète. On y découvrira les témoignages inédits de beaucoup
d'acteurs de l'époque, ainsi que les ressorts de l'incroyable mensonge d'État
qui a permis d'occulter ce massacre. Et on comprendra le rôle essentiel de «
déclic » joué par ce dernier dans le déclenchement par le FLN de la guerre de
libération en 1954. Daniel Kupferstein, réalisateur et
documentariste, est l'auteur de nombreux films, notamment Dissimulation d'un
massacre sur la sanglante répression de la manifestation du FLN du 17 octobre
1961 à Paris et de Mourir à Charonne, pourquoi ? (2010) sur la répression de la
manifestation du 8 février 1961 à Paris. Ce livre est une réédition
de celui paru en 2017, rendue possible grâce à l'amabilité des éditions La
Découverte. L'image de couverture reprend l'affiche du film de 2014. -
Pierre Bourdieu en Algérie (1956-1961) : témoignages
Tassadit Yacine
- Croquant
- 21 Juin 2022
- 9782365123518
Ce livre retrace, sans se vouloir exhaustif, la période algérienne de Pierre Bourdieu : celle qui va de 1956, date de son arrivée dans le Cheliff, région inhospitalière chaleur torride en été et froid glacial, en hiver, à 1961, date de son départ précipité d'Alger, devenue la proie du terrorisme urbain. Il vise cependant à éclairer le lecteur, fût-ce partiellement, à partir de témoignages oraux, véritables archives vivantes, émanant de collègues et d'étudiants qui l'ont côtoyé et partagé avec lui moult angoisses, espoirs et désespoirs dans un climat de tensions politiques dans un conflit de guerre ayant gagne tant le monde rural que dans le monde urbain, à l'instar de la bataille d'Alger, en 1957.
-
Contrôler et prescrire. Les impasses pathogènes de la
recherche d'emploi Stéphane Le Lay et Fabien Lemozy
La question de la massification du chômage et de la
Contrôler et prescrire. Les impasses pathogènes de la recherche d'emploi Stéphane Le Lay et Fabien Lemozy La question de la massification du chômage et de la précarisation sociale n'est pas nouvelle, loin s'en faut. Mais les enjeux relatifs à la santé des individus précarisés ont été moins souvent explorés. Pourtant, des études alertent sur un lien entre chômage et dégradation de la santé physique ou mentale, notamment d'une surmortalité parmi la population des chômeurs et inactifs comparée à la population en emploi, le suicide apparaissant ici comme un phénomène saillant. La compréhension de l'évolution de la santé mentale face aux épreuves vécues sur les marchés de l'emploi est donc un enjeu majeur. La thèse de ce livre vise à montrer les effets convergents, en matière de dégradation de la santé pour les salariés de Pôle Emploi et les demandeurs d'emploi, de dynamiques sociopolitiques et de dispositifs techniques engagés depuis plus de quarante ans. Grâce à quatre enquêtes collectives menées avec des salariés de différents services de Pôle Emploi, nous montrons que ce dernier se révèle incapable de prendre la mesure des atteintes à la santé mentale des demandeurs d'emploi. En effet, même si la santé n'entre pas dans le champ de compétences de Pôle Emploi, au sein de ses agences, les conseillers se retrouvent face à des situations parfois insolubles qui peuvent déstabiliser leur propre santé physique et mentale, sans que Pôle Emploi ne semble en prendre pleinement la mesure. L'incapacité de l'organisme à accueillir des problématiques relevant bien souvent de la psychopathologie du travail (liées à des expériences professionnelles antérieures) conduit à continuer d'appliquer des « recettes » de recherche d'emploi inefficaces et nocives pour la santé mentale des demandeurs d'emploi. Pour le montrer, nous nous appuyons sur des éléments tirés d'une enquête collective menée avec plusieurs demandeurs d'emploi. Notre travail permet de démontrer avec précision en quoi les outils déployés par Pôle Emploi ne concourent pas à mettre les individus dans une position d'autonomie, mais génèrent des conditions sociales propices à l'instauration de dynamiques pathogènes dans des franges de la population qui deviennent progressivement indésirables.
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Ma fille, ne prie surtout pas pour les Algériens !
Isabelle Vaha
- Croquant
- Essais Et Témoignages
- 6 Novembre 2025
- 9782365124768
Les campagnes et résultats des européennes et législatives de 2024 sont venus rappeler une nouvelle fois l'ampleur de l'enracinement des représentations sociales racistes dans notre société. C'est en effet sur la base de celles-ci que le Rassemblement National, et avant lui le Front National, travaillent, depuis plusieurs décennies, avec constance et cohérence, la société française. L'efficacité de cette action est redoutable en termes de production des peurs et des haines de l'Arabe et/ou du Musulman ou supposés tels. L'axe central de la stratégie mise en oeuvre par ce parti n'est rien d'autre que la remobilisation et la redynamisation d'un imaginaire et d'un espace mental hérités de la période coloniale. Le livre d'Isabelle Vaha est une contribution essentielle à la compréhension des effets durables de la barbarie coloniale sur la société française. En acceptant de nous livrer par son témoignage émouvant une intimité et une souffrance habituellement ensevelies dans un silence pesant, elle fait oeuvre de salubrité publique.
Découvrir enfant que son père a été un tortionnaire n'est pas une banalité sans conséquence. Constater que cette « expérience » irrigue jusqu'à aujourd'hui le regard du père et de l'ensemble de la cellule familiale sur le monde et sur la quotidienneté n'est pas une anecdote sans effets importants. Décider d'en parler et d'écrire ce trauma, cette blessure non cicatrisée, cet héritage pesant et encombrant, etc., est un cadeau offert à notre société. En acceptant de nous livrer une part de son intimité, Isabelle, met des mots sur une réalité qui concerne la plus grande partie de la société française.
Frantz Fanon soulignait déjà dès la décennie cinquante que l'oeuvre destructrice de la colonisation touchait sous des formes différentes la société colonisée comme la société colonisatrice. La déshumanisation de la seconde est en effet le prix à payé pour les violences subies par la première. Aimé Césaire utilisait pour décrire cette déshumanisation le terme « d'ensauvagement » de la société colonisatrice. C'est à une image vivante de cette « déshumanisation » et de cet « ensauvagement » que nous permet d'accéder le livre d'Isabelle. Loin d'être une exception, la trajectoire du père et l'héritage encombrant d'Isabelle ne sont pas des cas isolés. Ce qui les distingue fondamentalement de centaines de millier d'autres situations c'est la décision d'en parler, d'en décrire la banalité quotidienne, de souligner la prégnance du passé sur le présent. Ce faisant elle contribue à la nécessaire décolonisation de la société française, à l'indispensable rupture avec l'espace mental colonial qui est loin d'avoir disparu avec l'indépendance des colonies et plus particulièrement de l'Algérie.
Cinq siècles d'esclavage, un siècle et demi de colonisation, la diffusion par une multitude de canaux [livres scolaires, chansons, humour, zoos humains, etc.] d'images racistes pour légitimer ces deux crimes contre l'humanité, l'enrôlement de centaines de milliers de jeunes dans la guerre d'Algérie, etc., ne peuvent pas ne pas avoir profondément imbibés l'ensemble de notre société. Esclavage et colonisation, expliquait déjà Frantz Fanon suppose de faire intérioriser un sentiment d'infériorité pour les uns et un sentiment de supériorité pour les autres. C'est ce sentiment de supériorité profondément ancré, inscrit dans les socialisations, posé comme une évidence, autorisant à toutes les violences, qu'exprime le père d'Isabelle et les autres adultes de la famille.
Les groupes sociaux et les sociétés humaines sont comme les individus résultats de leur histoire. Pour le meilleur et pour le pire les effets du passé continuent à irriguer le présent. C'est pour cette raison que nous pouvons affirmer que l'histoire est aux peuples ce que la psychanalyse est aux individus. Le silence à l'échelle individuelle comme sur le plan collectif conduit à la reproduction et à la répétition. Mettre en mot comme le fait Isabelle l'horreur coloniale et le racisme qu'elle suppose est en conséquence un incontournable pour rompre réellement avec eux. On ne dépasse pas une page traumatique de l'histoire individuelle et collective sans la lire jusqu'au bout, jusqu'à la dernière ligne, jusqu'au dernier mot.
Le livre de Raphaëlle Branche, « Papa, qu'as-tu fait en Algérie », paru en 2020, converge avec celui d'Isabelle pour interroger le silence familial sur l'expérience du million et demi de jeunes qui ont fait leur service militaire en Algérie et sur ses effets. Le témoignage personnel et intime de l'une et l'enquête sociologique de l'autre, attestent communément, de l'ampleur des effets de ce passé colonial sur le présent.
Ces contributions à briser le silence, socialement, politiquement et médiatiquement construit, sont à saluer. Sans de telles paroles en effet la reproduction du racisme colonial ne pourra même pas être ébranlée. Alors que la fragilisation de notre société, sa paupérisation et sa précarisation massive, font ressurgir le spectre du « bouc émissaire » à sacrifier, Isabelle nous indique le seul chemin possible pour éviter de nouvelles catastrophes. Dire le réel tel qu'il fut et tel qu'il est, n'est en rien comparable avec une quelconque « repentance ». L'histoire comme le présent n'a que faire de la repentance. Elles ont en revanche, tous deux, absolument besoin du regard lucide sur le passé et sur ses horreurs. Faute de ce regard les mêmes causes continuerons à produire les mêmes effets.
Si nous ne sommes pas condamnés au pire, celui-ci reste cependant possible tant que le silence continue socialement et politiquement à imposer sa loi. Il n'y a aucun déterminisme absolu dans l'histoire individuelle comme dans l'histoire collective mais il existe en revanche des déterminants issus du passé qui ne peuvent être contrecarré que par la prise de conscience individuelle et collective qui suppose, elle-même, de briser les silences politiquement construits. La trajectoire d'Isabelle décrit une telle rupture avec ce qu'elle appelle « le déterminisme filial » en expliquant : « on n'est pas forcément bourreau de père en fille. Des assassinats peuvent être dissous dans l'altérité et dans le démontage d'une histoire mystifiée. Des tortures peuvent être pansées par l'acceptation de la différence et d'un autre panel de normes historiques et sociétales. Des massacres peuvent être annulés par leur dénonciation et l'écoute panoramique des survivants. Que l'on me comprenne bien ! Effacer l'histoire avec quelques circonvolutions littéraires pavées de bonnes intentions est impossible d'autant que certains en concèdent quelques aménagements fallacieux. Ce que je voulais démontrer, c'est qu'il faut du temps, certes, mais que l'aventure d'une reconstruction personnelle, par la voie, entre autres, militante, est possible et que la rupture avec des prescrits d'éducation à la haine est réalisable »
Merci à Isabelle pour nous rappeler que si les circonstances font les hommes, ceux-ci peuvent décider consciemment de transformer ces circonstances. Elle nous rappelle ainsi le chemin emprunté par le passé par tous ceux qui se sont insurgés contre l'exploitations, l'oppression et l'injustice. -
Le numéro 15 de la revue Zilsel prolonge l'exploration des pratiques scientifiques et techniques dans leur diversité la plus grande. L'éditorial revient, en raison de l'élection législative gagnée par Arnaud Saint-Martin, sur l'équilibre délicat de l'engagement du scientifique dans l'arène politique.
La rubrique « Confrontations » s'efforce de donner à voir quelques-uns des possibles de l'étude sociale des sciences. L'analyse de la réception partielle du travail de Robert Castel dans le monde anglophone permet d'éclairer les décalages avec les critiques féministes ainsi que les dangers d'une « culture psychologique » heurtant les approches des sciences sociales (Stéphanie Pache). La caractérisation géologique de l'anthropocène constitue un exemple paradigmatique de légitimation socio-épistémique de la notion (Pierre de Jouvancourt). Le suivi de la trajectoire du philosophe Yves Michaud permet de situer une multipositionnalité rapprochant des lieux de pouvoir et des acteurs économiques (Boris Attencourt). Le dossier « Frictions » est consacrée à des lectures croisées de l'imposant ouvrage de Bernard Lahire Les structures fondamentales des sociétés humaines. Les échanges nourrissent une réflexion collective sur la place d'une entreprise intégrative dans les sciences sociales aujourd'hui. Le « Libre échange » est mené avec l'historienne des sciences Amy Dahan qui revient longuement sur ses déplacements depuis l'histoire des mathématiques jusqu'à l'analyse des modes de gouvernement en régime de changement climatique.
L'article « Friches » envisage les conséquences du travail de terrain anthropologique dans des pays répressifs : auto-censure, restriction de l'espace de recherche, contraintes incorporées, c'est tout le dispositif de recherche qui est reconfiguré (Nat Nesvaderani).
Le texte classique choisi dans ce numéro est une méditation épistémologique, parue en 1951, de l'historienne des sciences britanniques Dorothea Waley Singer, à propos de la bascule moderne des sciences et de ses dangers contemporains.
Enfin, le volume se clôt par une gerbe de lectures critiques qui, des archives aux observatoires, de l'anthropologie anarchiste à l'attention aux objets, en passant par les inégalités sociales en science et le lectorat des sciences sociales, livre un aperçu de la riche actualité éditoriale -
Le marché des idées : Les sciences humaines et leurs lecteurs
Louis Pinto
- Croquant
- 21 Mars 2024
- 9782365124218
Le marché des idées Les sciences humaines et leurs lecteurs Louis Pinto Les sciences humaines (philosophie, histoire, sociologie, ethnologie, économie, géographie, etc.) sont d'abord des disciplines savantes, matière à enseignement et recherche. Hors des circuits universitaires, elles sont en général abordées à travers des auteurs, des figures illustres célébrées dans les médias.
Mais elles n'ont guère été envisagées en fonction de leurs lecteurs. Qui sont ces gens ? Que lisent-ils et comment lisent-ils ?
Pour répondre à ces questions, une enquête a été nécessaire qui repose sur des questionnaires et surtout sur des entretiens approfondis. Elle vise d'abord à comprendre les différences entre lecteurs savants et lecteurs profanes, leurs choix et leurs critères de jugement.
Alors que les premiers sont redevables de la discipline qui les a formés et qui guide leurs pratiques professionnelles, les seconds sont disponibles pour des lectures qu'on peut appeler libres, dans la mesure où elles sont déliées des règles scolaires. Les lecteurs profanes apprécient des livres qui ne sont ni trop commerciaux (ceux des « intellectuels médiatiques ») ni trop « universitaires » et qui sont censés apporter une « rupture », un « ébranlement » dans les façons de penser : c'est précisément ce que proposent ou promettent éditeurs, libraires et critiques de livres. Les lectures libres permettent à la plupart des lecteurs d'accéder, hors du cadre des disciplines, à ce qui constitue, à leurs yeux, les marques de la condition d'intellectuel : la « pensée » (attribut, par excellence, du philosophe) et les causes intellectuelles (des thèmes de débats politico-idéologiques ayant accédé au statut d'objet intellectuel).
L'enquête sur les lecteurs est l'un des moyens de mettre en lumière le fonctionnement d'un marché des idées soumis au poids croissant d'autres univers, ceux de l'édition, de la presse et de la politique. -
Le désir d'autorité émerge sur fond de « crises érosion » qui caractérisent le monde contemporain : la conjonction des diverses crises qui se suivent, qui se recoupent et qui se conjuguent depuis des décennies. Les sujets ont l'impression d'être emportés par le mouvement de la société comme par une érosion de terrain ; ils sont les objets impuissants de ces mouvements qui s'imposent à eux pour des raisons inconnues, incompréhensibles et de ce fait non-maîtrisables. Plus rien n'est fiable et sûr ; on est impuissant face aux crises qui s'abattent sur nous. La normalité de la société s'effrite dans le tourbillon des crises érosion. Les références normatives vacillent ; l'existence devient incertaine, imprévisible et angoissante. Elle est d'autant plus angoissante que cette situation est incompréhensible et, pour cette raison, elle est également non-maîtrisable. Le manque de (capacité de) compréhension et de maîtrise de la réalité est un autre facteur qui produit le désir d'autorité. Ce désir ne connait pas de raisons et pas d'arguments. Il est le souhait, en général irrationnel et obsessionnel, de vivre heureux grâce à la subordination à l'autorité. Cette relation est plus fantasmagorique que réelle mais elle peut porter un projet de société autoritaire. « C'est le désir qui crée le désirable, et le projet qui pose la fin » (Simone de Beauvoir). Néanmoins, le vécu de l'effritement des liens et des contraintes est aussi le vécu d'être « condamné à être libre » (Jean-Paul Sartre), entre autres, de prendre ses responsabilités et de créer l'avenir dans une situation qui s'est imposée aux acteurs, qu'ils ne comprennent pas et, par conséquent, qu'ils ne peuvent pas maîtriser. Cette liberté est trop lourde à porter et elle est angoissante. La « peur de la liberté » (Erich Fromm) pousse les sujets vers des fuites, entre autres, des fuites vers la subordination à une nouvelle autorité qu'ils désirent car elle leur promet de la certitude, de la sécurité, le calme et un avenir assuré. Il existe cependant également des critiques radicales selon lesquelles la normalité représentée par l'autorité établie est impossible et indésirable. On doit changer la réalité afin d'établir une normalité désirable. Ces critiques ne sont pas à confondre avec les multiples dénonciations de l'autorité et la demande anti-autoritaire de l'effacer dans un geste de négativité abstraite. L'expérience de la non-identité peut mener à la découverte du potentiel d'une autre réalité, un potentiel qui existe dans le monde « faux » (Adorno) et qui permet d'imaginer une normalité de la liberté à réaliser : un nouveau projet de société où l'autorité serait raisonnable, critiquable et modifiable. Ces critiques peuvent développer le potentiel pour créer une autre normalité grâce aux expériences des acteurs et à leur imagination mais elle est peu développée dans la société actuelle. Afin de mieux comprendre le cercle vicieux de la vie dans une société profondément marquée par des crises érosion et les avenirs possibles portés par le désir d'autorité, nous reprenons le fil des théories critiques. Ce sont elles qui dégagent, à partir de la réalité, le potentiel de dépassement du cercle vicieux mais également les forces qui entravent ce possible dépassement.
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Iran : De l'exil des élites à l'exil populaire
Nader Vahabi
- Croquant
- Actualité Politique Et Sociale
- 3 Octobre 2024
- 9782365124577
Où en est l'exil iranien 44 ans après l'arrivée au pouvoir des fondamentalistes religieux à Téhéran ? Que nous apprennent les récits de vie de ces exilés ? Ce livre étudie la diversité du phénomène de l'exil, dans sa dimension anthropo-sociologique, sur plusieurs générations, dans différents contextes nationaux, à travers les parcours de resocialisation et d'intégration. L'enquête réalisée de 2015 à 2022 auprès de 60 exilés commence à la suite d'une rencontre en 2015 dans une annexe d'hôpital de Montmorency, dans le Val d'Oise. Les vingt récits de vie représentatifs du corpus sont au coeur de l'analyse. Ils ont l'ambition de montrer le passage des exilés issus de la classe moyenne aisée des années 1980 aux exilés venant de couches sociales variées des années 2000, ce qu'on peut qualifier de démocratisation de l'exil.