Christian Bourgois
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Devant la douleur des autres
Susan Sontag
- Christian Bourgois
- Littérature Étrangère
- 6 Octobre 2022
- 9782267046717
Dans cet essai rédigé un an après le 11 septembre, Susan Sontag dresse un bilan des emplois de la photographie devant les souffrances de la misère et de la guerre. On prête volontiers aux images le pouvoir d'inspirer la protestation, d'engendrer la violence ou de produire l'apathie : autant de thèses que Susan Sontag réévalue en retraçant la longue histoire de la représentation de la douleur des autres - depuis Désastres de la guerre de Goya jusqu'aux documents photographiques de la Guerre de Sécession, de la Première Guerre mondiale, du lynchage des noirs dans le sud des États-Unis, de la guerre civile espagnole, des camps de concentration nazis, aux images contemporaines venues de Bosnie, de Sierra Leone, du Rwanda ou d'Israël et de Palestine.
Comment la photographie a-t-elle modifié la perception des évènements dramatiques au fil de son histoire ? Peutelle provoquer le rejet total et sans concession de la guerre et de sa violence ? Ou du moins permettrait-elle de mieux comprendre les causes et les conséquences des crimes et conflits passés ? Un texte d'une grande actualité sur le pouvoir des images et l'expérience de la guerre. -
Les textes que regroupe ce volume sont tantôt des protocoles d'expériences scientifiques menées avec des amis, tantôt des comptes rendus d'ivresse solitaire. Il forme l'ébauche d'un livre sur le haschich qui ne vit pas le jour.
La curiosité de Benjamin, une référence probable à Baudelaire, des motifs personnels, mais surtout l'extension kaléidoscopique de la conscience (" avec le haschisch, nous sommes des êtres de prose de la plus grande puissance "), tous ces motifs convergent dans l'expérience commencée en 1927 et poursuivie surtout dans les années 1930-1931, dont Benjamin dit qu'elle a comporté une " félicité rythmique " semblable à celle de dévider un écheveau savamment embrouillé : félicité dans la quelle réside " le bonheur de toute productivité ".
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Les trois pièces que rassemble ce recueil sont des travaux réalisés par Walter Benjamin pour la radio, peu avant son exil. Ils articulent plusieurs plans fondamentaux de son expérience. Tout d'abord, ils donnent une dimension pratique à la question des moyens de reproductibilité technique abordée quelques années plus tôt. Ensuite, ils sont contemporains du rapport à Brecht et par conséquent à la question de la possibilité d'un théâtre didactique moderne. Enfin, ils sont, et la pièce consacrée à Lichtenberg notamment, à mettre au compte de cette activité de sauvegarde que, parallèlement à sa grande exploration du Paris de Baudelaire, Benjamin allait entreprendre. Il ne pouvait accepter qu'avec l'usage nazi de la langue et de la culture, ce soit toute une culture, justement, qui soit ensevelie.
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Scène
Philippe Lacoue-labarthe, Jean-Luc Nancy
- Christian Bourgois
- Détroits
- 14 Mars 2013
- 9782267024692
Si l'homme est bien « l'existant qui présente », alors il lui aura fallu inventer les outils et les formes de cette présentation : le langage, le dialogue, la représentation. Mais quels sont les enchaînements et les limites de ces formes ? Et comment le théâtre, qui les rassemble, peut-il, via l'espacement de la scène, ne pas les trahir ?
Ce sont ces questions qui trament les deux dialogues ici reproduits : Scène, qui fut publié en 1992 dans la Nouvelle revue de Psychanalyse, et Dialogue sur le dialogue, qui date de 2004 et qui en fut le prolongement.
Deux moments de haute intensité du travail en commun mené par les deux philosophes.
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Ce volume prend sa place naturelle après Trois pièces radiophoniques déjà parues dans la même collection. Il regroupe en effet les émissions destinées à la jeunesse réalisées par Benjamin avant la main-mise des nazis sur la radio.
Ici, Benjamin cherche à renouveler le conte. " Comment ? Par des récits qui semblent inspirés de Baudelaire et de Kafka, des récits qui associent curieusement l'escroquerie et la catastrophe et qui, comme en passant, traduisent la vision benjaminienne de l'Histoire comme une catastrophe continue. De qui est-il question ? De brigands et de charlatans, de sorcières au bûcher, d'escrocs, d'imposteurs, de marginaux, de personnages suspects comme Cagliostro ou Faust, de bootleggers de la Prohibition, et même d'un faux messie blasphémateur, le fameux Sabbataï Zevi dont Benjamin a découvert l'existence grâce à son ami Gershom Scholem. Autant de personnages qui cherchent à survivre dans un contexte général de catastrophe : le tremblement de terre de Lisbonne, les inondations du Mississippi, la destruction de Pompéi, etc. Les contes pour enfants de Benjamin ne sont pas des contes de fée, ils adressent plutôt un avertissement aux jeunes gens, un avertissement prophétique [...]. En cela, ces contes de la catastrophe imminente demeurent fidèles à la vocation des contes traditionnels qui, dans l'esprit de Benjamin et d'Ernst Bloch, doivent aussi être des récits d'émancipation, animés malgré tout par un principe d'espérance, ô combien fugitif, à l'opposé des mythes asservissants. " (Jean Lacoste, La Quinzaine littéraire) Que Benjamin ait été aussi un conteur, on le savait déjà. Mais ici, à travers les prismes de l'enfance et la profusion labyrinthique de récits hantés par le merveilleux, c'est le projet d'une pédagogie libre qui s'énonce familièrement, à la façon des devinettes. Tant dans le " je me souviens " berlinois qui ponctue le livre que dans l'évocation d'évènements lointains, ces " lumières " pour enfants clignotent pour tous comme le butin enjoué de ce collectionneur d'histoires qu'était Benjamin.
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La panique politique
Philippe Lacoue-labarthe, Jean-Luc Nancy
- Christian Bourgois
- Détroits
- 14 Mars 2013
- 9782267024890
Les deux dialogues composant ce volume appartiennent à ce moment où, pour les auteurs, l'interrogation philosophique sur le politique croisait les faisceaux de questions mises en avant par la psychanalyse.
À la lumière de l'approche freudienne du phénomène politique, ce sont les conditions de possibilité de l'existence collective qui sont interrogées.
Dès lors qu'a pu être éloignée l'imposition d'une Figure (Dieu, Père, Chef, Peuple), comment et sur quoi étayer un être-ensemble capable d'échapper au délitement et à la panique ?
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L'acte de création repose-t-il sur une nécessité ? Et si oui, laquelle ? Si « créer, c'est jouir », de quelle nature est le désir qui préside à la naissance comme à l'amour des oeuvres ? Telles sont les questions autour desquelles Paul Audi a choisi de rassembler dans ce livre, parfois léger et parfois grave, des essais composés par lui au cours des dix dernières années.
En s'appuyant sur certains phénomènes (la pulsion, l'incarnation, le sexe, le désespoir, l'amour, l'esprit), l'auteur cherche ici à éclairer la façon dont l'alliance de l'éthique et de l'esthétique pourrait encore dresser des pôles de résistance à une époque, la nôtre, où le simulacre est devenu le seul mode de représentation agréé et où la pulsion de mort règne sur la culture dite dominante.
Né en 1963, Paul Audi est normalien, agrégé de philosophie, docteur en philosophie. Il est à ce jour l'auteur d'une thèse sur J.-J. Rousseau, d'une quinzaine d'ouvrages et d'une trentaine d'articles, dont la plupart sont consacrés aux relations entre l'éthique et l'esthétique en Occident, au cours des Temps Modernes. Estimant que ces relations ne peuvent être prises en compte sans que l'on s'interroge en même temps sur les tenants et les aboutissants de la subjectivité humaine, Paul Audi vise à fonder sur cette base une « éthique de la création » à laquelle, depuis son ouvrage Créer, il donne le nom d' « Esth/éthique ».
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Ce volume rassemble la plupart des textes autobiographiques de Walter Benjamin. De 1906 à sa mort, Benjamin, sans avoir, semble-t-il, tenu régulièrement de journal, obéit à sa propre injonction : " Ne laisse passer aucune pensée incognito, et tiens ton carnet de notes avec autant de rigueur que les autorités tiennent les registres des étrangers. " Ce registre, Benjamin l'ouvre à l'occasion de voyages (Italie), d'une rencontre importante (Brecht) ou lorsque affluent les souvenirs d'enfance : c'est alors la Chronique berlinoise, d'autant plus précieuse qu'elle n'est rythmée que par l'épiphanie du souvenir. On sait que Benjamin proscrivait le " je " de ses textes ; s'il semble déroger à cette règle ici, c'est au moyen de la note, où celui qui écrit se tait pour laisser parler les choses et fixer les idées au moment où elles surgissent. Ces textes, souvent fragmentaires, témoignent par leur diversité de la cohérence d'une pensée ; ils ne livrent pas seulement les matériaux infatigablement recherchés des chantiers à venir, ils donnent à lire le parcours d'une vie où les crises personnelles font souvent entendre leur écho.
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Correspondance 1949-1975
Martin Heidegger, Ernst Jünger
- Christian Bourgois
- Littérature Étrangère
- 21 Janvier 2010
- 9782267020670
Cette correspondance, qui s'étend de 1949 à 1975, constitue un témoignage de toute première importance sur les relations intellectuelles et amicales qui unirent deux représentants majeurs de la pensée allemande au XXe siècle : Martin Heidegger, considéré comme l'un des plus grands, sinon le plus grand philosophe de son temps, et Ernst Jünger, héros exemplaire des batailles de la Première Guerre mondiale, penseur de la technique et styliste exceptionnel, qui vient de connaître récemment la consécration d'une édition de ses journaux de guerre dans la Bibliothèque de la Pléiade. Le succès qui a accueilli celle-ci confirme l'intérêt du public français pour Jünger, succès qu'il partage avec Heidegger ; ce dernier, malgré la difficulté de sa pensée et les problèmes presque insolubles que la complexité de sa langue pose à ses traducteurs français, est aussi l'un des philosophes allemands les plus lus en France.
Avant même de se connaître, les deux hommes étaient déjà entrés en dialogue, car la pensée de Heidegger sur la technique doit beaucoup au grand essai de Jünger, Le Travailleur, paru en 1932, auquel il a d'ailleurs consacré un séminaire universitaire durant l'hiver 1939-1940. Leur première rencontre n'a cependant eu lieu qu'en septembre 1948.
Leurs premiers échanges épistolaires portent sur le lancement éventuel d'une nouvelle revue de haut niveau qui leur aurait permis de retrouver une visibilité dans le champ littéraire, après la débcle allemande de 1945 ; on les voit s'interroger sur cette entreprise à laquelle ils renoncent finalement, car elle risquait de prendre un caractère trop politique, dans une période où ils étaient tous deux violemment attaqués : Heidegger pour son année de rectorat à Fribourg sous le nazisme en 1933-1934, Jünger en tant qu'ancien nationaliste et apologiste de la guerre qui, malgré son absence de compromission avec le nazisme, fut néanmoins accusé d'avoir été l'un de ses précurseurs.
Loin de se borner à un banal échange de politesses entre deux écrivains majeurs, leur correspondance compte plusieurs temps forts, en particulier à propos du dépassement du nihilisme, sur lequel portent les deux textes, Passage de la Ligne et Contribution à la question de l'Être, qu'ils s'offrent mutuellement pour l'anniversaire de leurs soixante ans, fêtés respectivement en 1949 et 1955. Mais il peut aussi arriver à Jünger de demander à Heidegger de l'aider à élucider un passage difficile sur le temps, dans les Maximes de Rivarol qu'il est en train de traduire en allemand, ce qui permet au philosophe de faire à ce sujet un exposé particulièrement lumineux et accessible.
Leurs échanges ne se situent pourtant pas constamment à ce niveau d'ambition intellectuelle, même s'ils illustrent aussi une commune préoccupation pour le langage, par exemple dans l'intérêt qu'ils portent aux expressions populaires du pays souabe dont Heidegger est originaire et où Jünger vient de s'établir. Ce nouveau point commun renforce l'atmosphère d'estime et de confiance qui règne entre eux, car cette correspondance est aussi le témoignage d'une amitié qui ne s'achèvera qu'avec la mort de Heidegger. Dans un temps rythmé par les anniversaires et les envois de livres, on échafaude des projets de rencontres que les difficultés du temps ou de l'ge rendent parfois difficiles à réaliser. Pourtant leurs deux caractères bien différents s'opposent à l'occasion, lorsque, auprès d'un Heidegger plus casanier, Jünger défend son tempérament d'incorrigible globe-trotter, en reprenant à son compte le mot d'Héraclite : " Ici aussi, il y a des dieux " - et même dans la cabine d'un bateau traversant le canal de Suez !
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Dans ce livre, la pensée qui cherche une forme neuve, une nouvelle « prose », fait appel aux
ressources de l'apologue, de l'aphorisme, du récit bref, de la fable, de la devinette et de toutes ces
« formes simples », aujourd'hui désuètes, dont la tâche a toujours été, plutôt que d'exposer des
théories plus ou moins convaincantes, de faire vivre une expérience, de dissiper le leurre, de
réveiller. Dans ce sens, et seulement dans ce sens, le problème de la pensée est ici un problème
poétique.
Ainsi, les trente -trois petits traités de philosophie qui composent le livre constituent autant d'idylles
(dans le sens étymologique de « petite forme, ou idée »), qui cernent dans leur raccourci ce qui ne
peut en aucun cas être oublié, puisque cela consiste précisément dans la « mesure la plus brève »,
selon l'avertissement platonicien.
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L'ennemi n.3 : l'Italie de la métaphysique
L'Ennemi
- Christian Bourgois
- L'ennemi
- 1 Avril 1994
- 9782267012255
Une anthologie consacrée à la peinture métaphysique italienne qui réunit l'essentiel des textes ayant marqué cette aventure artistique et littéraire qui dura de 1917 à 1921. On y trouve de nombreux écrits de De Chirico, de Carrà, de Savinio...
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Temps forts (ex.accent tonique)
Susan Sontag
- Christian Bourgois
- Essais Bourgois
- 8 Avril 2005
- 9782267017663
Trente-cinq ans après la publication de son premier recueil d'essais, le désormais classique Contre l'Interprétation, Susan Sontag a choisi plus de quarante textes plus ou moins longs, écrits ces vingt dernières années. Ces textes montrent un champ profond et varié d'intérêts, de passions, d'observations et d'idées. Accent tonique témoigne de l'engagement sans faille de ce grand écrivain américain face aux problèmes moraux et esthétiques les plus importants de la fin du XXème siècle et fournit une analyse brillante et claire de l'enjeu, dans ce nouveau siècle, de la survie de cet héritage.
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Ecrits entre 1932 et 1948, les textes que rassemble ce recueil ont pour thème central le juif comme paria, figure dont hannah arendt trace le contour par différence avec la figure du parvenu.
La tradition du paria est une tradition minoritaire. elle repose sur le choix d'un statut, celui du paria conscient, par lequel sont revendiqués simultanément la particularité juive et le droit à l'existence dans la vie européenne. c'est pourquoi elle est également marginale à l'égard de la tradition et de la communauté juives elles-mêmes. cette tradition, toutefois, est désormais close. ce dont la première moitié de ce siècle fut le théâtre, en europe, n'autorise plus aux yeux de hannah arendt ce type d'écart social.
La voie que suggérait kafka s'est révélée proprement utopique : les droits de l'homme ne peuvent s'accomplir par la seule force de l'individu. telle est la raison pour laquelle hannah arendt plaide en faveur de l'insertion dans un peuple et de la coexistence avec d'autres peuples. ce livre est une analyse lumineuse et profonde, reconnue depuis longtemps comme décisive, de la condition juive.
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" J'ai aimé Kant, non point la grandeur austère de sa pensée, mais pour le désespoir qui l'anime de n'être pas aimé.
Le deuil du bonheur est peut-être le plus effroyable qui soit, mais aussi le plus moral, car en apprenant à ne pas nous aimer nous devons, à tout le moins, compatissants. Un conte moral éveille en nous cette charité lyrique qui tient autant à l'apitoiement qu'à la cruauté. Assurés de notre enfer et revenus de notre paradis, nous sommes dans le monde intermédiaire de la souffrance déçue. C'est alors qu'intervient le conte pour nous promettre une médiation égoïste sur notre chagrin.
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Images de pensée réunit un ensemble de textes - essais, brèves, et récits parus dans différents journaux entre 1925 et 1935 - qui rapportent pour la plupart des expériences de Walter Benjamin recueillies au cours de ses voyages. On y trouve entre autres des descriptions de villes (des chapitres sont consacrés à Moscou, Weimar ou encore Marseille). Dans " Moscou ", par exemple, Benjamin analyse et détaille les ébranlements qu'a subits la ville, suite à l'arrivée du bolchevisme.
Figurent également dans ce recueil des billets d'humeur analysant des comportements ou des impressions que l'auteur a observés lors de ses pérégrinations à l'étranger. Ainsi sont détaillés, sous la plume de Benjamin, des mets nationaux aussi différents que le café crème dégusté au bistro ou que le bortsch, cette soupe moscovite secrète qui rassasie lentement.
L'auteur transporte également le lecteur à travers la description qu'il fait d'une prise de haschich (" Haschich à Marseille "), ou encore à travers la retranscription de ses rêves.
Tels sont les quelques sujets abordés dans ces proses magiques où l'on retrouve en filigrane toutes les notions qui sont au coeur de la réflexion philosophique de Benjamin : le proche et le lointain, le pouvoir des noms, le surgissement du passé dans le présent, l'espoir arraché au fond du désespoir, la prophétie, la prose, l'éthique de la sobriété. Benjamin cultive dans ses textes un genre qui tient à la fois du poème en prose et du petit traité philosophique. Didactiques, émouvants, poétiques, les fragments publiés dans Images de pensée permettent une approche aisée et agréable de la pensée du grand philosophe allemand.
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Le monde est dangereusement malade de ses mobilisations.
Celles-ci commencent d'avoir raison de notre instinct de conservation : la voie est désormais ouverte à l'autoextinction de l'humanité. Mais Peter Sloterdijk ne se contente pas de prononcer ce diagnostic alarmant sur notre époque. Il indique aussi la direction dans laquelle il faudra chercher les moyens de guérir le monde. Ce sont d'abord les moyens de la négation active et créatrice. Dans ce contexte, il prête attention aussi à une renaissance asiatique, aux vertus thérapeutiques des modes de pensée de l'ancien Orient " où d'autres dramaturgies ont été développées pour les critiques de la volonté de vie que dans la civilisation occidentale de la mobilisation ".
Sloterdijk ne vise à rien moins qu'à une éthique alternative de la bonne mobilité.
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" c'est à partir de nietzsche et plus précisément de sa naissance de la tragédie que le penseur allemand peter sloterdijk retrouve l'inspiration cynique en faisant de diogène le partenaire de dionysos dans son éternel affrontement avec apollon.
Peter sloterdijk est, rappelons-le, l'auteur d'un livre majeur, d'un ouvrage absolument capital, la critique de la raison cynique et qui a l'ambition d'être pour la modernité ce que fut la critique de la raison pure à l'époque de kant. loin des lourdeurs germaniques qui accablent l'écriture de trop de ses compatriotes, sloterdijk sait allier un esprit voltairien et railleur avec une puissance conceptuelle, une érudition et une profondeur tout à fait vertigineuses.
Montrant dans sa " critique " comment le cynisme est la réponse à la désillusion des lumières, c'est-à-dire à la conviction que le mal est le résultat de l'ignorance et qu'il suffit de savoir pour le guérir, il plaide dans son dernier ouvrage pour une conception corporelle de la pensée. si toute civilisation, selon nietzsche, est un compromis entre dionysos et apollon, entre l'ivresse et la règle, la violence et la clarté, seul le cynisme peut rendre à la théorie son caractère aventureux et lui permettre de saisir les petites vérités méchantes du quotidien que négligent les systèmes.
".
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La critique de la raison cynique - son occasion : le bicentenaire de la parution de la critique de la raison pure de kant - est une critique de notre modernité.
Revenue des illusions de notre rationalisme (" la raison c'est la torture "), notre époque est ébranlée par la croyance en l'aufklärung : la conviction que le mal résulte de l'ignorance et qu'il suffit de savoir pour le guérir. le cynisme est la réponse à cette désillusion. il est la forme moderne de la " fausse conscience ". apparu comme attitude individuelle dès l'antiquité, le cynisme est aujourd'hui un phénomène universel.
En regard de ce cynisme moderne comme remède et comme dépassement, l'auteur suggère de redécouvrir les vertus du cynisme antique (ou, plus exactement, du kunisme) que pratiquait le philosophe de sinope : le rire, l'invective, les attaques. leur redécouverte pourrait renouveler la chance de l'aufklärung dont le projet le plus intime est de transformer l'être (sein) par l'être conscient (bewusstsein).
Paru en allemagne en 1983, cet essai rencontra un succès considérable. jürgen habermas salua sa publication comme un des événements les plus importants de la vie intellectuelle depuis 1945. l'ironie de l'histoire fait que ce même habermas est, en 1999, l'objet de vives attaques de peter sloterdijk, et que leur controverse semble devoir marquer la scène intellectuelle européenne pour les premières années du prochain millénaire.