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Nietzsche est l'un des trois essais biographiques écrit par Stefan Zweig en 1925. Il s'agit d'une interprétation personnelle mais argumentée de la vie du célèbre philosophe allemand. Les premières touches de ce portrait laissent entrevoir un être déraciné, quasi-aveugle, tourmenté par de violentes migraines et de terribles maux d'estomac, menant une existence solitaire dans des pensions sans nom. Mais ce quotidien austère, fait de souffrances, n'intéresse Zweig que dans la mesure où il est, selon lui, indissociable du cheminement intellectuel de Nietzsche.
En effet, si la condition physique du philosophe a influencé sa réflexion, lui soufflant des concepts aussi fondamentaux que la volonté de puissance, sa pensée a en retour façonné sa manière d'être au monde. Relativiste, amoral, Nietzsche l'a été jusque dans sa vie, dans ses rapports à autrui. Mû par une passion excessive de la vérité qui excluait toute concession, laissant sans cesse derrière lui ses croyances perdues, le philosophe est allé jusqu'à sacrifier ses amitiés au nom de son insatiable besoin de connaissances et de nouveauté. Cette course vers l'abîme, Stefan Zweig en exprime toute la profondeur, toute la beauté à travers les événements et les oeuvres qui jalonnent la vie de Nietzsche.
Traduit de l'allemand par Alzir Hella et Olivier Bournac -
Krishnamurti (1895-1986) a été un penseur à contre-courant des idées-reçues de son époque. Dès 1929, il a débuté une longue existence de prises de parole publiques à travers le monde qui, au-delà de sa disparition, continuent par l'écrit de fédérer une foule attentive. Sa bataille ? Réfléchir à la manière dont l'homme peut accéder à la vérité de la vie en se libérant de ses entraves ; l'accumulation de l'instruction, de la mémoire, des traditions et systèmes de pensée. Krishnamurti ne livre en aucun cas de remède. La marche vers la liberté et la découverte de soi aboutira par chacun, et en chacun. Car pour comprendre le réel, encore fautil prendre connaissance de soi. Et pour se connaître soi-même, la première étape vers la libération consiste à fuir le carcan du conditionnement. Et laisser jaillir l'état créatif. C'est cette délivrance de l'esprit statique, du connu, qui offrira à chaque homme l'accès au rang d'architecte d'une société nouvelle.
Mary Lutyens (1908-1999), figure d'autorité pour ses travaux dédiés à la pensée de son ami J. Krishnamurti, ainsi qu'à l'histoire de sa vie, fut à l'origine de ce livre traduit en France en 1970. Ses seize courts chapitres, égrenant les domaines de réflexion chers à la pensée krishnamurtienne, tiennent une place de choix dans une bibliographie foisonnante. Limpide et résolument tourné vers l'être humain - l'individu, « homme en cage », appartient à la société -, Se libérer du connu est l'ouvrage par lequel on accède aux fondamentaux, à commencer par la quête d'une véritable connaissance de soi, débarrassée du parasitisme de l'acquis, des schémas. Rejetant comme à son habitude toutes les formes de pensées préétablies, incarnées notamment par la religion, J. Krishnamurti nous invite à ne pas nous accommoder des clichés quels qu'ils soient et imagine une révolution, celle du retour au mouvant, au « vivant ».
Décryptant l'origine de nos peurs, celles qui engendrent la violence, celles qui nous poussent à la quête stérile d'une répétition des plaisirs pour mieux nous aveugler et, irrémédiablement, nous faire souffrir, J. Krishnamurti ne nous dit pas : « La joie, voici comment vous l'obtiendrez » mais « Voyez ». Car voir, c'est déjà agir. -
La splendeur du monde : Aller à la rencontre de la beauté
Laurence Devillairs
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- 15 Mai 2024
- 9782234097148
« C'est beau ». En trois mots, tout est dit. Devant un paysage comme devant un tableau, les mêmes trois mots. Que veulent-ils dire ? Qu'expriment-ils : un plaisir, une préférence, une appréciation culturelle ? Et si c'était tout cela à la fois et bien plus encore ? Et si la beauté, notre capacité à la voir, à la sentir et à l'entendre, était la manière singulière et profonde que nous avons d'être vivants, sur cette Terre ?
Au fil d'une trentaine de textes lumineux, mettant en scène ses propres expériences esthétiques, Laurence Devillairs tente d'élucider le mystère de la rencontre avec la beauté et nous invite à réapprendre à voir le beau, qui nous échappe souvent par manque de temps ou conformisme.
Elle propose pour cela des « exercices d'esthétiques appliqués » - tenter d'apprécier ce qu'on n'aime pas, voyager comme Bouvier sans attentes ni plans, accomplir non pas une bonne action mais un beau geste. Le jeu en vaut la chandelle ; qu'elle soit naturelle, créée ou bien même morale, la beauté nous fait une grande promesse, celle d'être émerveillés, changés et d'exister de façon plus accomplie. -
Moi aussi je pense donc je suis : Quand les femmes réinventent la philosophie
Elodie Pinel
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- Les Essais Stock
- 14 Février 2024
- 9782234096592
Simone de Beauvoir, Hannah Arendt, Simone Weil... difficile pour la plupart d'entre nous de citer d'autres noms de femmes philosophes que ceux-là. Sans doute parce que la plupart d'entre elles n'ont pas eu la chance de se voir attribuer le noble statut de « philosophe », tantôt qualifiées de « femme de lettres », ou au mieux de « penseuses » et « intellectuelles ». Et pour les quelques chanceuses qui sont au panthéon des philosophes, on ne connaît bien souvent qu'une infime partie de leur pensée, ou on les réduit à leur pensée féministe.
Ce livre vous invite à changer de point de vue et à reparcourir l'histoire de la pensée à travers celle de femmes qui ont fait oeuvre de philosophe, alors qu'elles étaient soit exclues de l'institution soit empêchées par les hommes. Vous découvriez une pensée riche, originale, des sujets forts, des formes inattendues, novatrices, car il a bien fallu faire preuve de créativité pour faire entendre sa voix.
Pour Elodie Pinel, elle-même professeure de philosophie, il est plus que temps de prendre au sérieux ces femmes philosophes, d'entrer pleinement dans leur oeuvre et de militer pour qu'elles intègrent les programmes scolaires et que leurs idées infusent enfin dans notre société. -
Ce livre s'inscrit dans le prolongement direct du précédent, La Mémoire, l'histoire, l'oubli, dont il explore l'une des pistes laissées ouvertes : celle de la reconnaissance.
Ce thème, il le parcourt dans ses diverses acceptions, en partant pour cela de ses divers répertoriés par les dictionnaires : la reconnaissance comme processus d'identification (je reconnais cette table) ; se reconnaître soi-même (je me reconnais le même qu'hier ou qu'il y a vingt ans même si j'ai changé) ; la reconnaissance mutuelle (je vous reconnais dans votre différence, et même, je vous suis reconnaissant).
Paul Ricoeur fait le pari que cette diversité lexicale n'empêche pas la constitution d'une philosophie unifiée de la reconnaissance, philosophie qui fait jusqu'ici complètement défaut et que Ricoeur est le premier à tenter. -
« Un monde où les idées n'existeraient pas serait un monde heureux car il ne comporterait pas ces forces si puissamment conditionnantes qui contraignent l'homme à des actions inappropriées, ces dogmes sacro-saints au nom desquels les pires des crimes sont justifiés, les plus grandes folies méticuleusement rationalisées. » Aldous Huxley, préface à La première et dernière liberté.J. Krishnamurti n'a eu de cesse de réfléchir à la manière dont l'homme pouvait accéder à la vérité de la vie en se libérant de ses entraves que sont les idées préconçues, les traditions et les systèmes de pensée. Celui qui, toujours, refusa d'être perçu comme un penseur, un gourou ou un philosophe ne livre en aucun cas des solutions. Il ne prescrit pas de remèdes. La marche vers la liberté et la découverte de soi doit aboutir par chacun, et en chacun. Car, et c'est sans doute sa seule conviction énoncée comme telle : pour comprendre le réel, encore faut-il prendre connaissance de soi. Et pour se connaître soi-même, la première étape vers la libération consiste à s'échapper du carcan du conditionnement. Fuir le sempiternel rôle d'imitateur que s'est attribué l'homme et laisser jaillir l'état créatif. C'est cette libération de l'esprit statique, du connu, qui permettra à tout homme d'accéder au rang d'architecte d'une société nouvelle. Car le monde est fait par les hommes, et le mal qu'il exhibe n'est que le fruit pourri de leurs propres souffrances.
L'éveil de l'intelligence s'impose sans conteste comme la somme des textes les plus lus de l'oeuvre krishnamurtienne. On y pénètre comme à l'intérieur de ces tentes où avaient pour habitude de se dérouler les causeries du « maître », dont une part importante est retranscrite dans cet ouvrage. Fidèle à sa « méthode », le penseur exhorte son auditoire à tenter d'éveiller son esprit de manière autonome, le soupçonnant parfois sans détour de sombrer dans le prêt-à-penser, le cliché, et l'amenant, lentement, par le dialogue et à grand renfort d'images, à voir et à comprendre en se dégageant du filtre de la pensée. Qu'il faut distinguer de l'intelligence. Nous vivons dans des concepts, des idées, c'est là le propre de la pensée. L'intelligence, au contraire, recouvre un « état de non-savoir » ; d'inter et de legere, elle invite à « lire entre les lignes ».
De la Suisse aux États-Unis, en passant par l'Inde et la Grande-Bretagne, ces brillantes retranscriptions des conversations publiques de J. Krishnamurti s'étalent entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. Anonymes, scientifiques et musiciens animent l'échange de leurs expériences personnelles. La vie, la mort, la peur, la violence, la liberté et bien d'autres notions viennent appuyer la tentative d'immobilisation de l'esprit, de « mise en veille » pour appréhender notre intérêt dans le monde et dans la vie et approcher L'éveil de l'intelligence. -
La joie est plus profonde que la tristesse : entretiens avec Alexandre Lacroix
Alexandre Lacroix, Clément Rosset
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- 2 Octobre 2019
- 9782234088474
« Tout est foutu, soyons joyeux. » « Rassurons-nous, tout va mal. » Voilà les maximes préférées de Clément Rosset, telles des remèdes à notre époque contemporaine angoissante. Il nous apprend à nous foutre de tout et à rester joyeux malgré notre condition de mortel, à être capable d'embrasser gaiement l'existence pour accéder à la sagesse et au bonheur, à écarter toute raison de désespérer.
Clément Rosset a accordé une quinzaine d'entretiens à Alexandre Lacroix pour Philosophie magazine entre 2006 et 2017. Nous en avons sélectionné huit, qui permettent de faire un premier pas dans la pensée de ce grand homme. Philosophe de la joie et du tragique, mais non pessimiste, Clément Rosset défendait une vision incarnée de la philosophie, loin de l'image du penseur dans sa tour d'ivoire. Il défendait surtout un réalisme absolu et radical. Pour lui, seul le réel existe.
Le recueil idéal pour s'initier à la philosophie et découvrir les grands philosophes - Nietzsche, Spinoza, Platon, Heidegger, Pascal, Bergson - en décortiquant Tintin, Gaston Lagaffe ou encore un morceau de camembert. -
Krishnamurti (1895-1986) a été un penseur à contre-courant des idées reçues de son époque. Dès 1929, il a débuté une longue existence de prises de parole publiques à travers le monde qui, au-delà de sa disparition, continuent par l'écrit de fédérer une foule attentive. Sa bataille ? Réfléchir à la manière dont l'homme peut accéder à la vérité de la vie en se libérant de ses entraves ; l'accumulation de l'instruction, de la mémoire, des traditions et systèmes de pensée. Krishnamurti ne livre en aucun cas de remède. La marche vers la liberté et la découverte de soi aboutira par chacun, et en chacun. Car pour comprendre le réel, encore faut-il prendre connaissance de soi. Et pour se connaître soi-même, la première étape vers la libération consiste à fuir le carcan du conditionnement. Et laisser jaillir l'état créatif. C'est cette délivrance de l'esprit statique, du connu, qui offrira à chaque homme l'accès au rang d'architecte d'une société nouvelle.
Ce livre paraît à l'aube du troisième millénaire. Face à un tournant, il est de coutume d'imposer un bilan. Guerres, corruptions, misère : il est pour partie désastreux. Ne succombons cependant pas à la tentation de nous tourner vers ces instances supérieures que sont la politique, la religion et, pourquoi pas, la psychanalyse, en espérant trouver refuge dans une panoplie de solutions caduques.
Cet ouvrage suggère à celui qui mobilise son attention pour en parcourir ses pages de mourir à ce qu'il connaît trop bien, aux dogmes, aux entraves de l'éducation reçue, aux habitudes de pensée. Faire table rase de l'acquis. Comment ? Surtout pas en copiant l'ermite, en adoptant la position du lotus, en répétant des mantras. Ça n'est pas la méditation. La méditation, c'est l'attention pure, le silence de l'esprit, l'abolition des intermédiaires tel le langage, avec lesquels l'individu cohabite depuis la nuit des temps dans le plus grand des chaos. La méditation, c'est la recherche du tout et l'abandon du fragmentaire. « Il faut être à soi-même sa propre lumière » ou, selon l'enseignement de J. Krishnamurti, n'obéissez pas, ne suivez pas, le remède, allez le débusquer en vous-même.
Traduit de l'anglais pas Colette Joyeux -
«Sois raisonnable et humain !» m'a lancé Jean Kahn, mon père, avant de se donner la mort. Ai-je bien suivi ce fil d'Ariane qui m'a été offert ? Lorsque beaucoup du ruban de la vie a déjà été déroulé, on se retourne parfois pour en juger l'aspect. J'en ai ressenti le besoin pour apprécier la cohérence d'un parcours, confronté aux questions, situations, dilemmes, engagements et combats auxquels j'ai été mêlé. Encore en cette année 2020, j'ai eu à prendre position et à analyser la crise sanitaire de la Covid-19. En tant que Président de la Ligue nationale contre le cancer, mobilisé pour la protection des personnes malades et spécialiste du sujet. Et en tant que citoyen engagé et attentif, explorateur anxieux de la «voie bonne» en tout domaine : la politique, la violence, le Progrès, les technologies, la vie humaine...
La route a déjà été longue, semée d'embûches comme toute existence, souvent contournée, presque un labyrinthe. Cependant, j'avais, comme Thésée, mon fil d'Ariane. À moi aussi, il a été confié par amour. L'ai-je toujours tenu ? ».
Axel Kahn
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Les rêves de progrés se brisent face au constat effrayant du chaos qui règne en de nombreux points du globe.
Dans "L'esprit et la pensée" Krishnamurti évoque deux voie possible pour renverser la situation. La première, changer les structures sociales, économique et politique, est vouée à l'échec car venant de la pensée. La deuxième passe par une mutation intèrieure qui procède de l'esprit. Mais comment faire la distinction entre la pensée et l'esprit?
Krisnamurti invite le lecteur à observer le panorama de nos processus mentaux pour nous faire découvrir cette voie de la mutation radicale et intime.
L'auteur, trés populaire, ("Un maître spirituel d'exception" disait de lui Georges Shaw) est un penseur très à part dans l'histoire des mouvements spirituels: il a toujours refusé toute position d'autorité, laissant à chaque individu la liberté d'interpréter son message. -
Ce qui arrive aujourd'hui survient souvent comme une énigme : face à la violence d'événements qui montrent toujours un visage qu'on n'attend pas, on est tenté soit de s'accrocher au passé (à la moindre polémique, « C'est le retour des années trente ! »), soit de se projeter dans le futur par réflexe de table rase. De fait, rien n'est plus difficile que d'éprouver le présent, et de suivre l'exigence de Péguy : « Se mettre en avance, se mettre en retard, quelles inexactitudes. Être à l'heure, la seule exactitude. » Alain Finkielkraut relève le pari. Alliant rigueur de pensée et de formulation, il saisit les principaux moments politiques, sociaux, philosophiques et médiatiques qui ont marqué ces deux dernières années, s'appuie sur de grands penseurs (Arendt, Camus, Kundera, Alain), tire les enjeux, prend de la distance pour en donner une analyse juste.
Devant le choc que fut l'attentat de Charlie Hebdo, face à un esprit de pénitence nationale devenu obsessionnel, devant les excès du pouvoir mais aussi des contre-pouvoirs, face à une gauche qui se sait mortelle, ce livre révèle un souci : celui de contrebalancer par la pensée le déséquilibre permanent dans lequel nous pousse le présent.
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Pour la première fois, Marcel Gauchet, l'un des intellectuels français les plus importants, accepte de retracer l'ensemble de son parcours et en donne les clés. Sa jeunesse et sa première formation, sa position en 68, son itinéraire intellectuel et politique, son rôle dans les revues où s'élabore la pensée de l'antitotalitarisme, sa place au Débat depuis la fondation de la revue en 1980, les grands affrontements de la vie intellectuelle française depuis une trentaine d'années, tels sont quelques-uns des moments de ce livre événement.
Mais surtout c'est l'occasion pour l'auteur d'effectuer la synthèse des aspects divers d'une oeuvre déjà considérable et depuis longtemps au coeur des polémiques les plus vives. Histoire de la religion, histoire politique, interprétation des totalitarismes, avenir des démocraties libérales, philosophie du sujet, ces facettes de son travail sont ici mises en relation les unes avec les autres de façon inédite. -
Dewi et Eka sont de vraies jumelles nées dans la province sud du Kalimantan, à Bornéo. La première est sauvée d'un effroyable incendie dans lequel tout le monde pense qu'a péri Eka. En fait, cette dernière a été récupérée par une femelle orang-outan qui l'élèvera. Dewi, elle, sera une des femmes les plus brillantes de sa génération, et recevra le prix Nobel de physiologie et médecine. Eka, bien que recueillie dans une société humaine à dix ans, restera une enfant sauvage souffrant d'un grave retard mental. Elle mourra misérablement. Les deux soeurs ont pourtant les mêmes gênes. Comment Dewi a-t-elle pu développer les outils d'un épanouissement pleinement humain, quelles en furent les étapes et les conditions ? Pourquoi tout cela n'a-t-il pu s'enclencher chez Eka ?
Axel Kahn utilise la forme romanesque pour introduire la thématique qu'il développe à travers un essai, s'attachant à enrichir, touche après touche, l'observation de ses héroïnes gémellaires.
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« Nous pensons toujours ailleurs » : éloge du déplacement, du décalage et du décentrage, cette phrase de Montaigne devient, sous la plume de Nicole Lapierre, le fil d'Ariane d'un voyage intellectuel sans pareil, dans le dédale des idées et des mondes, des époques et des lieux. Son enquête nous entraîne sur les pas de tous ces intellectuels déplacés qui s'en sont allés, justement, penser ailleurs, sortant des sentiers battus, refusant de rester à leur place, passant les bornes, franchissant les frontières, enjambant les barrières sociales, sans y être invités ni conviés. Arpentant un terrain d'aventure où se mettent en jeu et en péril des identités résolument vagues et mêlées, qui refusent classements, confinements et cloisonnements, elle nous fait découvrir une infinie galerie de portraits, de Georg Simmel à Edward Said, de Walter Benjamin à Paul Gilroy, en passant par Devereux, Deleuze et tant d'autres, un musée imaginaire où les idées prennent chair et vie. Éloge de l'entre-deux - un peu dedans, un peu dehors, déjà plus, pas encore -, cet essai amoureux, vagabondage passionnant et passionné, est aussi un livre-manifeste. Par leur vie, leur itinéraire et leurs travaux, les personnages élus par Nicole Lapierre sont autant de figures de l'intellectuel comme étranger, dont l'expérience décalée aiguise les interrogations et stimule la pensée. L'intellectuel critique est toujours une personne déplacée, parfois au sens propre, en raison de son histoire personnelle ou de contingences historiques, mais nécessairement au sens figuré. Le lecteur le découvrira en cheminant avec l'auteur, partageant sa réflexion itinérante, aux frontières des disciplines et aux confins des territoires : il est, heureusement, bien des manières d'être étranger.
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ENTRERENPHILOFaire de la philosophie ? Le plus souvent, cela intrigue ou inquiète : C'est une matière trop complexe, trop abstraite pour moi !Ce petit livre n'est ni un manuel, ni un aide-mémoire. Il n'a qu'une ambition : détruire les préjugés, en facilitant l'accès à cette discipline à partir de quelques interrogations. Par exemple : Qu'est-ce qu'être libre ? Une oeuvre d'art peut-elle être belle et pourtant ne pas me plaire ? Qu'est-ce qui différencie l'homme de l'animal ? Etc. Savoir passer les premiers obstacles peut permettre à chacun de gagner un temps précieux et faire de la philosophie une véritable aventure professionnelle.Agrégé de philosophie,Jean-Paul Jouaryenseigneau lycée Paul-Eluardde Saint-Denis.
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Avital Ronell, remarquable philosophe américaine dont l'oeuvre commence à être traduite très largement à l'étranger, s'attache ici à comprendre cette étrange passion humaine : le test. Pourquoi sommes-nous si enclins à nous mettre à l'épreuve, à nous y soumettre constamment, nous et nos proches, dans tous les domaines : à faire de l'épreuve, en somme, une catégorie de l'existence à part entière.
Cette histoire-là commence avec les Grecs. En effet, c'est Aristote le premier qui a critiqué le basanos (la torture), que les citoyens de la jeune démocratie athénienne autorisaient sur les esclaves pour leur extorquer la vérité. Le rapport entre vérité et épreuve (ou test) a commencé là et s'est poursuivi dans la pensée chrétienne par l'examen de conscience puis a été repris par la littérature et la philosophie jusqu'à aujourd'hui avec un succès jamais démenti. Une fois encore, Avital Ronell nous entraîne dans une fantastique aventure philosophique, exigeante certes, et rigoureuse, et qui met en lumière une passion humaine inexplorée. Ainsi, le Test Drive découvre et analyse une nouvelle facette de notre monde contemporain et fait un diagnostic qui met en question notre compulsion à être ou nous croire en permanence « testés ». -
« Ce livre n'a d'autre ambition que d'aider à comprendre un itinéraire politique et philosophique, après le désastre du stalinisme, à l'époque de l'apothéose marchande, lorsque les hiéroglyphes de la modernité livrent leurs secrets au grand jour. » Philosophe et militant de la Ligue communiste, Daniel Bensaïd revient sur un parcours où l'individuel et le collectif interfèrent sans cesse. Alternant le « je » et le « nous », les souvenirs singuliers et les expériences partagées, il inscrit sa trajectoire personnelle, assumée sans complaisance, dans une histoire politique qui commence au milieu des années 1960. Des années de formation toulousaines dans le bistro familial « rouge vif » à la fondation des Jeunesses communistes révolutionnaires, des débats à l'ENS de Saint-Cloud aux meetings de Nanterre, de « l'affaire non classée » de 1968 à l'expérience douloureuse des luttes en Argentine, de la relecture de Marx à la « piste marrane », des combats d'hier à ceux d'aujourd'hui, il raconte une révolte obstinée qui a dû apprendre la durée. Une lente impatience, tendue entre action et réflexion, qui se révèle aussi dans le plaisir d'une écriture vive.
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« Aujourd'hui, notre pitié ne s'arrête plus à l'humanité. Elle continue sur sa lancée. Elle repousse les frontières. Elle élargit le cercle du semblable. Quand un coin du voile est levé sur l'invivable existence des poules, des vaches ou des cochons dans les espaces concentrationnaires qui ont succédé aux fermes d'autrefois, l'imagination se met aussitôt à la place de ces bêtes et souffre avec elles.
L'homme moderne est tiraillé entre une ambition immense et une compassion sans limite. Il veut être le Seigneur de la Création et il découvre progressivement en lui la faculté de s'identifier à toutes les créatures. Ainsi s'explique l'irruption récente de la cause animale sur la scène politique.
La nouvelle sensibilité aux animaux aura-t-elle le pouvoir de changer la donne ou l'impératif de rentabilité continuera- t-il à faire la loi, en dépit de tous les cris du coeur ? » A. F.
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Axel Kahn a été membre du Comité national d'éthique de 1992 à 2004. C'est dire l'importance que la réflexion sur la morale occupe dans la vie et l'oeuvre de ce biologiste dont les prises de position sont bien connues, notamment son refus, pour des raisons éthiques, du clonage thérapeutique.Interrogé par le philosophe Christian Godin, il avance ici plus loin qu'il n'a jamais été sur la nature et les fondements d'une morale sans Dieu, sans transcendance, mais non moins soucieuse de règles et de normes que les morales traditionnelles.
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Ce dernier livre de Siegfried Kracauer, resté inachevé à sa mort en 1966 et publié à titre posthume, est une réflexion ambitieuse et audacieuse sur la réalité historique comme sur la philosophie de l?histoire. Kracauer s?y confronte, de façon aussi originale qu?incisive, à l?historicisme allemand d?un côté, à l?École des Annales (en particulier à Marc Bloch) et à l?historiographie anglo-saxonne de l?autre. Pourfendant le mirage d?une histoire universelle comme les illusions des grandes chronologies linéaires, il défend l?idée d?un passé discontinu, fragmenté, entre restes et traces. En historien et en théoricien du cinéma, attentif aux questions de narration, il se penche également sur l?écriture de l?histoire, mise en parallèle avec le travail de montage cinématographique.
D?une étonnante actualité, cette analyse originale qui circule avec aisance d?Erasme à Proust ou de Comte à Marx, anticipe les débats les plus récents sur les rapports entre histoire et mémoire comme sur les avancées de la microhistoire.
C?est aussi une méditation sur la condition de l?exilé qui peut se lire comme une autobiographie cachée. Car pour Kracauer, l?historien comme l?étranger ou l?exilé doit accéder à un monde auquel il n?appartient pas. Partagé entre deux époques, celle dans laquelle il vit et celle qu?il étudie, tel l?exilé déchiré entre deux lieux, il est condamné en permanence à errer entre les temps. -
Cet ouvrage était destiné à être remis à Jacques Derrida à l'occasion de son soixante-quinzième anniversaire. Un anniversaire qu'il n'aura pas connu puisqu'il fut arraché à la vie l'année précédente. Les auteurs de cet hommage international sont tous réputés pour leurs travaux personnels et pour leur lecture attentive de l'oeuvre de Derrida. Ayant tous fréquenté à la fois l'homme et l'oeuvre, Derrida aura signifié à leurs yeux une « ligne de vie » les tenant à l'écart des dogmatismes et des préjugés, leur ouvrant un avenir pour la pensée, pour l'écriture, pour la vie. Nous avons donc choisi d'ajouter le texte inédit de Derrida, Penser ce qui vient, où se dessine en vue d'une justice à venir, une révolution dans la pensée même de la révolution. L'oeuvre immense de Derrida, celle déjà publiée et celle aussi importante qui reste à venir, dépasse les frontières entre la philosophie, la littérature, le droit, la psychanalyse, le politique. Jean-Luc Nancy montre que là où Foucault, parlant de la folie, restait posté sur la rive de la raison, Derrida court le risque et la chance d'affoler la raison plutôt que d'arraisonner la folie. Ce faisant, avec la déconstruction des philosophies de la religion, on ne cesse d'examiner comment la théologie est construite comme discours, que ce soit celui de la chrétienté, du judaïsme ou de l'islam. Et comment le « retour du religieux » et de la religion sous sa forme la plus violente entrent en résonance avec les possibilités impressionnantes et les désavantages considérables de la mondialisation, du capital mondial et des nouvelles technologies médiatiques.On verra que tous les textes qui composent ce volume ont le mérite d'explorer la pensée de Derrida tout en la rendant aisément accessible à tout lecteur exigeant qui ne se satisfait pas du « penser-sans-peine » que répandent aujourd'hui les médias.
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Coll. Clefs de l'histoire 25 siècles de pensée occidentale. L'itinéraire intellectuel suivi par l'Europe, de Platon à Jaspers.
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LOUIS ALTHUSSER L'avenir dure longtemps suivi de Les faits "Il est probable qu'on trouvera choquant que je ne me résigne pas au silence après l'acte que j'ai commis, et aussi le non-lieu qui l'a sanctionné et dont j'ai, suivant l'expression spontanée, bénéficié.
"Mais si je n'avais pas eu ce bénéfice, j'aurai dû comparaître. Et si j'avais dû comparaître, j'aurais eu à répondre.
"Ce livre est cette réponse à laquelle autrement j'aurais été astreint. Et tout ce que je demande, c'est qu'on me l'accorde ; qu'on m'accorde maintenant ce qui aurait pu alors être une obligation.
"Bien entendu, j'ai conscience que la réponse que je tente ici n'est ni dans les règles d'une comparution qui n'a pas eu lieu, ni dans la forme qu'elle y aurait prise. Je me demande toutefois si le manque, passé et à jamais, de cette comparution, de ses règles et de sa forme, n'expose pas finalement plus encore ce que je vais tâcher de dire à l'appréciation publique et à sa liberté. En tout cas je le souhaite. C'est mon sort de ne penser calmer une inquiétude qu'en en courant indéfiniment d'autres." Par ces mots qui ouvrent L'avenir dure longtemps, un texte qu'il avait lui-même dactylographié et soigneusement préservé, projetant sa publication de son vivant, Louis Althusser souligne l'enjeu essentiel de ces pages en grande partie rédigées en 1985 : soulever la "pierre tombale du silence" posée sur lui depuis le meurtre de sa femme en novembre 1980.
Ce document, unique en son genre, et d'une intensité tragique exceptionnelle, est suivi d'une première esquisse autobiographique, Les faits, également inédite, rédigée en 1976.
Le texte de ces deux autobiographies a été établi et présenté par Olivier Corpet et Yann Moulier Boutang en accord avec les héritiers de Louis Althusser.
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Louis Althusser est devenu célèbre en publiant en 1965 Pour Marx et Lire Le Capital. Mais l'éclat de cette pensée fondatrice d'école ne doit pas faire oublier qu'elle ne fut qu'un moment d'un itinéraire philosophique.
Pratiquement inconnus jusqu'alors, les écrits de jeunesse de Louis Althusser sont marqués par un double passage de Hegel à Marx et du catholicisme au communisme. Publiés ici dans leur quasi totalité, ils comprennent notamment des libelles aux titres évocateurs : L'internationale des bons sentiments et Sur l'obscénité conjugale, un mémoire universitaire passionnément hégélien et une longue lettre à Jean Lacroix qui éclairent bien des renversements ultérieurs.
La seconde partie de ce volume met en évidence la complexité largement méconnue des textes écrits par Althusser au cours des années 1970, placés d'emblée sous le signe de la crise : crise personnelle, mais aussi crise de la théorie marxiste longuement analysée par le texte qui domine cette période : Marx dans ses limites.
Dans ses derniers écrits, après 1980, Louis Althusser tente d'arracher à la nuit une réflexion sur ce qu'il appelle désormais "matérialisme de la rencontre", puis "matérialisme aléatoire". Il y est question de vide et de train qui ne mène nulle part.
Ces textes ont été réunis et présentés par François Matheron.